L’actu

Auteur/autrice : Mathieu Quétel

Une première : Le lobbying à la radio

La radio des entreprises, RDE, lance une nouvelle émission dédiée au lobbying. Il s’agit d’une première.

Très prochainement, les auditeurs de RDE pourront écouter un nouveau rendez-vous, intitulé « Lobby or not Lobby ». L’objectif de cette émission mensuelle est de décrypter le dessous de l’actualité politique, notamment des opérations de lobbying.

Le lobbying est souvent présenté sous un angle négatif. Il s’est pourtant imposé au fil des années comme un outil au service de la démocratie pour peu qu’il soit pratiqué avec des règles de transparence et de bonne conduite.

La vie démocratique, les décisions publiques, sont souvent le fruit d’arbitrages pris avec l’éclairage de différents représentants d’intérêts ou sous la pression de l’opinion publique.

C’est notamment le cas pour le projet de loi El Khomri sur le travail, dont on voit bien que la mobilisation des syndicats, sur les réseaux sociaux et dans la rue risque de peser lourd dans son périmètre réel qui sera présenté lors du Conseil des ministres du 23 mars. Ce projet de loi révèle également l’absence du patronat français dans l’environnement numérique et son attachement viscéral à un « lobbying à la papa » qui fini par lui coûter cher…  En ce qui concerne les tensions entre VTC et taxis, les seconds sont en passe de remporter une victoire, on peut s’interroger sur les effets du choix de certaines plateformes françaises de laisser leur propre action d’influence aux mains du géant américain Uber. Le lobbying est également un outil au service des élus, on peut le constater dans le débat autour du financement du RSA par les Départements. Dominique Bussereau, le président de l’Assemblée des départements de France, vient de réussir un joli coup après des mois de négociations avec le gouvernement.

Ces exemples illustrent à merveille qu’il existe une actualité dont il est intéressant de prendre le temps de connaître l’autre visage, vu des coulisses, pour comprendre quels sont les leviers qui agissent sur la décision publique.

L’émission « Lobby or not Lobby » décryptera ces dossiers chauds de l’actualité et suivra également la campagne pour la présidentielle de 2017 avec pour ambition de décoder les stratégies des uns et des autres et de les mettre en perspective pour le monde de l’entreprise.

Ce rendez-vous, qui devrait être mis à l’antenne très prochainement, sera présenté par le journaliste Simon Janvier qui interviewera Mathieu Quétel, président de Sountsou.

Si inefficace lobbying à la papa  

Le projet de loi travail se transforme en bérézina pour le gouvernement et, il faut bien le reconnaître, ceux qui devraient soutenir cette réforme ne sont pas très audibles dans le brouhaha numérique qui devrait s’étendre à la rue dans les prochains jours.

Le projet El Khomri va dans la bonne voie. Il pose des évolutions dans le droit du travail qui devraient notamment permettre une meilleure sécurisation de l’emploi pour les entreprises et plus de contrats à durée indéterminée pour les salariés. À l’arrivée, chacun devait être gagnant. Sauf que le projet de loi a été quelque peu bâclé et soumis à l’opinion publique sans avoir été au préalable négocié avec les syndicats, au moins les réformistes. En outre, une communication va-t-en-guerre a placé ce projet de loi en situation de devenir le catalyseur facile des colères et rancoeurs des soutiens naturels d’un gouvernement qui ne cesse de décevoir.

Rapidement les représentants des chefs d’entreprise ont fait connaître leur soutien à la démarche réformiste inscrite dans le projet El Khomri. Cette posture a néanmoins été grandement limitée par l’inefficacité du lobbying à la papa que les syndicats patronaux continuent inlassablement d’utiliser.

Les négociations au sein des ministères et les rencontres au plus haut niveau de l’Etat sont indispensables. Les marathon dans les journaux télévisés des chaines d’information et les communiqués de presse sont incontournables. Il n’en reste pas moins que les outils numériques ne peuvent être à ce point ignorés, les méthodes traditionnelles de lobbying ne fonctionnent plus. Or, les organisations patronales poursuivent, dans leur grande majorité, un lobbying industriel non seulement inefficace mais également coûteux en image.

Cette semaine certains tweets moqueurs de parlementaires « frondeurs » qui recevaient des courriers-type de la part d’une organisation patronale pouvaient prêter à sourire. Ils sont hélas le reflet de méthodes de lobbying expéditives qui considèrent les parlementaires comme aux ordres du gouvernement quand, au contraire, la géographie parlementaire s’est métamorphosée…

Quant au spectacle d’une pétition de dénonciation idéologique du projet de loi, suscitée par une initiative individuelle, qui va dépasser le million de signataires face au flop retentissant de la contre-pétition lancée dans un total amateurisme des réformistes, il est désespérant.

Ce projet de loi traduit une situation bien réelle : le militantisme patronal doit se réformer. Il est certes complexe de défendre le monde de l’entreprise dans notre pays, mais rester engoncé dans un lobbying à la papa n’aide pas à donner une image plus favorable de l’entreprise. Le résultat est d’ores et déjà terrible : selon Elabe pour Les Echos, 80% des Français ne seraient pas satisfaits du texte actuel. Autant dire que ce projet de loi est en état de mort citoyenne.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Loi travail : le succès du Lobbying 2.0

La loi travail vient d’être victime d’une opération de lobbying numérique rondement menée qui remet en question bien des idées reçues et devrait alerter sur les nouveaux modes de communication publique.

La présentation de la loi travail de Madame El Khomri avait bénéficié de la part du gouvernement d’un démarrage en fanfare. Le patronat avait salué les avancées, l’opposition était gênée aux entournures par un texte réformateur et la majorité gouvernementale manquait de s’étouffer. Au fil des jours les voix s’élevaient pour dénoncer un texte « trop libéral » mais il n’y avait guère que les syndicats pour s’offusquer. Face à l’atonie des politiques, c’est une initiative individuelle qui a finalement fédéré les oppositions au texte.

Caroline de Haas, ex-membre du PS et du cabinet de Najat Vallaud Belkacem a mis le bazar dans la majorité en lançant, sur le site change.org, une pétition en ligne intitulée « Loi travail : non merci ! ». Celle-ci en est à plus de 1 million de signataires en moins de trois semaines ! Ce mouvement de fond a tout emporté sur son passage, y compris la tribune agressive de Martine Aubry dans Le Monde qui avait également pour ambition de se transformer en pétition.

Cette initiative individuelle a été le pivot d’un vaste mouvement, alimenté par sept syndicats de salariés qui ont embrayé en appelant à une manifestation le 31 mars. L’UNEF a également joué un rôle déterminant en lançant sur Twitter le hashtag « On vaut mieux que ça » qui est devenu le point de rendez-vous virtuel d’une jeunesse en colère qui défilera dans les rues dès le 9 mars.

De leur côté, les défenseurs du projet de loi ont montré leur incapacité à utiliser efficacement les réseaux sociaux. L’initiative du conseiller régional Les Républicains Dominique Reynié de lancer une contre-pétition a fait un flop magistral. Le patronat s’est révélé dépassé par les évènements, s’il a bien tenté d’utiliser les vieilles ficelles du lobbying à la papa, sa méconnaissance des réseaux sociaux lui a coûté cher. Quant au gouvernement, ses initiatives numériques ont tourné court et se sont révélées aussi ridicules qu’inefficaces.

Le militantisme évolue fortement avec le numérique, cette sortie en queue de poisson d’un projet de loi qui ambitionne de réformer (un peu) le droit du travail symbolise un texte bâclé mais surtout un manque flagrant de maîtrise des outils d’aujourd’hui de la part de ses promoteurs. La Radio Des Entreprises (RDE) consacrera le premier numéro de son émission « Lobby or not Lobby » à cette thématique.

RSA : le lobbying payant des départements

80 Départements sur 101 sont en situation de graves difficultés financières. Ils sont étouffés par la baisse des dotations de l’État d’une part et les transferts de charges notamment en ce qui concerne les aides sociales, d’autre part. Alors, ils ont décidé de se mobiliser et de s’engager dans une vaste campagne de lobbying sous la houlette de l’Assemblée des Départements de France (ADF) présidée par l’ancien ministre Dominique Bussereau.

Dominique Bussereau, lui-même président du Conseil Départemental de la Charente-Maritime, a su mobiliser tous azimuts ses collègues pour faire pression et obtenir de l’État une sortie de crise qui semble aujourd’hui envisageable.

Depuis 2003, le versement du RSA est placé sous la responsabilité des départements. Le problème réside dans le fait que ce dispositif est devenu au fil des années un véritable gouffre financier alors que dans le même temps les dotations de l’Etat ne cessaient de diminuer. Ainsi, en 2015 sur 9,7 milliards d’euros de dépenses, 4 milliards sont restés à la charge des départements. Une situation inextricable qui menace de mettre dans le rouge une grande partie des Conseils départementaux, ce qui est bien évidemment inenvisageable.

L’Etat est longtemps resté sourd aux demandes des présidents de Conseils départementaux, jusqu’à ce que ces derniers s’organisent et mettent en place un lobbying très efficace. Au programme, présence médiatique, mobilisation au Parlement, utilisation des outils de communication des départements (voir notre photo avec l’exemple du Loir et Cher) et menace de suspendre les versements des prestations.

La solution trouvée entre l’ADF et Matignon serait une « recentralisation au niveau de l’Etat » du versement des prestations et une gestion de celles-ci qui resterait confiée aux Conseils départementaux. Des points de tension persistent comme la période à partir de laquelle l’Etat prendrait en charge les prestations, l’ADF souhaite un effet rétroactif à 2014, Matignon n’envisage une prise en charge qu’à partir de 2016. Autre point d’achoppement, la gestion de la période de transition jusqu’à la mise en place de cette « recentralisation », en effet de nombreux départements ne sont pas en situation de pouvoir continuer de financer le versement des aides cette année, la piste d’un plan d’urgence de 250 millions d’euros est évoquée.

Les négociations vont se poursuivre dans les prochaines semaines mais grâce à un lobbying efficace et percutant, les Conseils Départementaux peuvent envisager une sortie de crise par le haut. Un joli coup de Dominique Bussereau.

Les VTC sont-ils victimes d’Uber ?

Le médiateur nommé par le gouvernement dans la crise entre taxis et VTC a rendu ses conclusions et certaines ne manquent pas de surprendre. Dans cette affaire, on peut s’interroger sur le bénéfice que tire le géant Uber de s’associer avec des start-up françaises dont les pratiques sont pourtant incomparables avec les siennes.

Le député socialiste Laurent Grandguillaume dresse dans son rapport une perspective qui consisterait à rapprocher au maximum les taxis et les VTC plutôt que de les différencier. Une conclusion surprenante et qui semble assez éloignée des habitudes de consommation ainsi que des offres spécifiques que chaque profession est en passe de créer. Cette proposition présente néanmoins un avantage certain, elle permet de « vendre » l’idée d’un dédommagement qui serait versé aux taxis pour la perte de valeur de leur licence du fait de l’arrivée des VTC, ce dédommagement serait financé par un fonds lui-même abondé par une… taxe payée par les clients de VTC.

Ce fonds, tel qu’il est présenté à ce stade, laisse plusieurs questions en suspend, dont une essentielle : comment seront indemnisés les taxis qui partent à la retraite et qui sont détenteurs d’une licence obtenue gratuitement après une attente de dix ou quinze ans ? Celle-ci vaut en moyenne 160.000 euros, le nouveau dispositif ramènerait cette valeur à zéro sauf à envisager qu’elle fasse également l’objet d’une prise en charge par le fonds…

Côté VTC, les conclusions sont nettement moins favorables, il est proposé de renforcer les contrôles notamment à l’égard des Loti (qui dispose d’une licence pour transporter au moins deux personnes) et de doter les VTC et Loti d’une signalétique inamovible (un peu comme les taxis). On retrouve donc l’idée de rapprocher au maximum les deux professions.

Les VTC souffrent de l’image et des méthodes musclées d’Uber et les sociétés françaises qui se sont créées dans l’ombre du géant américain sans faire preuve d’autant d’agressivité seront tout autant pénalisées. Cette situation est assez incompréhensible. Elle est due en grande partie au choix de certaines sociétés de s’allier avec Uber pour négocier avec les pouvoirs publics et au laissez-faire des autres qui ne se sont pas préoccupées plus que cela de la situation.

Le résultat est désastreux pour des centaines de petits patrons qui avaient créés leur société pour travailler avec le statut VTC ou Loti et qui voient leurs ambitions revues à la baisse. En ce qui concerne les plateformes qui souhaitaient se différencier d’Uber, que ce soit par la nature du service qu’elles apportent ou la niche qu’elles ambitionnent d’occuper, il y a également un risque sérieux pour que leur modèle économique s’en trouve remis en question.

Les plateformes sont victimes de leur manque d’implication dans leurs actions de lobbying. À trop vouloir agir dans l’ombre du géant américain, elles ont pris le risque de se faner.