L’actu

L’exception culturelle Française menacée

La France revendique une place à part dans le monde pour sa culture. Afin de défendre son « exception culturelle » elle a mis en place tout un arsenal d’aides et de mesures d’accompagnement de la filière qui, paradoxalement, pourraient menacer sa capacité à tenir sa place dans les années à venir.

Sountsou a récemment évoqué une surprenante étude rédigée par E&Y pour le compte de l’industrie culturelle Française. Le rapport de l’Institut Montaigne que nous décrivons cette semaine, dans un autre article, porte quant à lui sur l’audiovisuel et sa filière de production littéralement enkystés par une règlementation mise en place dans les années 80 et qui ne permet plus de réagir dans l’environnement d’aujourd’hui.

Pour l’édition papier, l’avis de la Médiatrice du Livre rendu le jeudi 19 février considère que les offres de lecture illimitées proposées par le géant Amazon pour 9,99 euros par mois ne s’inscrivent pas dans la loi Française. Les grands éditeurs sont vent debout contre l’initiative d’Amazon. Le numérique ne représente aujourd’hui que 64 millions d’euros de chiffre d’affaires soit environ 1,6% du CA du secteur selon GFK. Mais refuser ainsi le modèle de l’accès illimité à la lecture moyennant un abonnement qui pourrait permettre de trouver un nouveau modèle économique adapté aux usages, est-ce bien raisonnable ? En effet, le numérique exige de tester des possibilités nouvelles et de prendre le risque de se tromper. S’exonérer ainsi de tester des offres nouvelles qui pourraient permettre demain de trouver un nouveau modèle économique expose dangereusement l’industrie du livre à une rupture de son modèle actuel.

En ce qui concerne la musique, l’attitude du gouvernement, toujours sous la pression de l’industrie culturelle, est tout autant incompréhensible. Les quotas de chansons francophones imposés par la loi aux radios Françaises pourraient être renforcés dans les prochains mois. Une hérésie. En effet, les radios sont massivement concurrencées par le secteur totalement dérégulé de l’internet, notamment You Tube et autres Deezer. Renforcer les quotas francophones, alors que la production est en baisse constante, que les dispositifs actuels sont largement respectés et que le numérique remet profondément en question des équilibres économiques déjà fragiles, reviendrait à affaiblir un peu plus les radios.

S’agissant de la production audiovisuelle, la politique publique de soutien de la filière a de multiples effets pervers. La multiplication des aides et le manque de ciblage ont pour conséquence de favoriser une sorte d’embourgeoisement du secteur audiovisuel qui peine à se remettre en question et surtout à prendre en compte les nouvelles contraintes du numérique. Quant on ajoute à cette situation, déjà peu brillante, le ratage de France Télévision, très bien décrit dans le rapport de l’Institut Montaigne, en matière d’innovation, on a un tableau peu réjouissant de la situation. La France est ainsi peu présente à l’international, alors que le rayonnement de notre culture passe indubitablement par les marchés étrangers et elle a un retard considérable sur la culture populaire, ses exportations de séries par exemple sont encore trop peu nombreuses comparées à d’autres pays européens. Ainsi, les ventes de formats TV n’ont représentées que 130 millions d’euros en 2013, soit autant qu’en 1998. À titre de comparaison, ce chiffre est de 1,5 milliards d’euros pour la Grande Bretagne ! (source : Institut Montaigne).

L’industrie culturelle n’est en outre pas aidée par le mode de nomination des responsables et acteurs des établissements publics ou para-publics. Le pantouflage et la gestion de carrière basée sur les relations politiques sont encore largement de mise, ce qui écarte de fait les entrepreneurs et les profils « novateurs ». Ce mode de désignation a également pour conséquence de favoriser le statut-quo, l’irresponsabilité et la gabegie financière …

En refusant la réalité du numérique, en privilégiant le maintien de positions acquises, l’État met en danger ce qu’il souhaite défendre. L’exception culturelle Française pourrait rapidement devenir une exception locale sans grand rayonnement.

Les bons mots de la semaine.

Ils sont élus, chefs d’entreprise ou écrivains, ils parlent, répondent à des questions, se livrent parfois au jeu (risqué) du « off » et au sein de Sountsou, nous aimons ça, alors nous partageons quelques « perles » et bons mots avec vous…

Nicolas Sarkozy au sujet des réformes économiques qu’il mettrait en place s’il était élu en 2017, dans Le Figaro daté du 2 mars

  • Sur les entreprises : « Derrière les mots, il y a la réalité de toutes les décisions prises depuis 2012 au détriment des entreprises, des PME, des artisans-commerçants, des travailleurs indépendants, des professions libérales, bref de tous ceux qui créent des emplois. Cette révolution des esprits à laquelle j’appelle, tournée vers toutes les entreprises, sera le cœur de la politique alternative que nous allons proposer au service de tous les Français »
  • Sur le budget de l’État : « Il faut d’abord s’attaquer résolument à ce qui pèse le plus lourd dans le budget de l’État et des collectivités locales: le nombre de nos fonctionnaires », « Il faudra revenir à la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et surtout l’imposer à la fonction publique territoriale, notamment en changeant la Constitution pour rendre cette règle compatible avec l’autonomie de gestion des collectivités territoriales », « Il faut recruter prioritairement dans la fonction publique avec des contrats de cinq ans quand le poste le justifie »
  • Le temps de travail des fonctionnaires : « L’écart entre le secteur public et le secteur privé est devenu injustifiable: 48 jours de congés par an en moyenne dans la fonction publique d’État contre 36 dans le secteur privé et 29 dans une petite PME », « je souhaite que l’on renégocie les accords sur le temps de travail dans la fonction publique » 
  • Les 35 heures : « les entreprises qui souhaitent sortir des 35 heures doivent pouvoir le faire par la négociation », « Et, bien entendu, je propose de rétablir dans les entreprises le principe des heures supplémentaires défiscalisées »
  • Les impôts : « Il n’y a ainsi pas d’ISF en Allemagne et il ne doit donc plus y avoir d’ISF en France », « La priorité sera de baisser fortement et simultanément les dépenses et les impôts »
  • Les retraites : « repousser l’âge de départ à 63 ans (et à 68 ans, sans décote), en trois ans »
  • Le Code du Travail : « Je propose en la matière une règle simple: ne garder que les droits fondamentaux des salariés dans le Code du travail et renvoyer le reste à la négociation d’entreprise » 
  • Sur l’UMP : « Il y aura un nouveau parti, au printemps. On lui donnera un nouveau nom, qui ne sera pas un sigle », « Ce sera une formation beaucoup plus large, plus rassembleuse, plus dynamique, ouverte à tous ceux qui voudraient préparer l’alternance »
  • Sur Sarkozy : « J’ai une stratégie, un calendrier précis, et je n’en changerai pas », « Que personne ne doute de ma détermination »

Jean-Marie Le Pen dans les repas du Front National au sujet de Jacques Chirac, cité par Le Point daté du 26 février

« Trinquons pour Jacques Chirac. Souhaitons-lui une très longue vie maintenant qu’il est en tête à tête avec Bernadette »

François Hollande et Manuel Valls sur Martine Aubry, cités par Le Canard Enchaîné du 25  février

« Tullius Detritus » c’est le surnom que le Président et le Premier ministre donneraient à Martine Aubry selon le palmipède après l’épisode de la Loi Macron

Jean-Christophe Lagarde, patron de l’UDI, au sujet de l’UMP, cité par Le Point daté du 26 février

« Aujourd’hui, il y a un chef à l’UMP mais il n’y a pas de ligne »

Nicolas Baye, secrétaire général du Front National, dans Le Figaro daté du 24 février

« C’est un peu nouveau, mais, aujourd’hui, parce que nous avons une capacité d’attraction chez les déçus de la gauche, les duels face à la droite ne nous empêchent pas de gagner »

Bernard Tapie suite à l’annulation de l’arbitrage de 2008 par la cour d’appel de Paris, dans Le Point daté du 26 février

« L’arbitrage n’est pas annulé, il va être révisé, alors, on se calme, s’il vous plait ! Depuis deux ans et demi, on enfume les Français par l’entremise de médias mal intentionnés pour que je passe du statut de volé à celui de voleur, alors que depuis 1995, et jusqu’à présent, toutes les juridictions successives, y compris la cour d’appel, ont reconnu les fraudes de la banque et les ont sanctionnées »

Laurent Solly, directeur général de Facebook France, dans Capital du mois de mars

« Dans une récente étude, le cabinet Deloitte a estimé que Facebook avait généré l’an dernier 7 milliards d’euros d’activité économique en France et 78000 emplois indirects. Nous sommes ainsi fiers d’avoir participé au développement des sociétés hexagonales comme Blablacar, Deezer, Happn, ou Pretty Simple »

François Mitterrand dans « L’abeille et l’architecte », cité par Michèle Cotta dans son ouvrage « Le Monde selon Mitterrand » paru le 19 février (Tallandier)

« Quand on s’use à faire carrière, il ne reste rien pour l’histoire. Je n’envie pas le sort de tel ou tel de nos contemporains qu’une longue inutilité finit par rendre indispensable »

Un élève à la professeure Mathilde Lévèque, cité dans son ouvrage « LOL est aussi un palindrome » (First Editions)

« – Madame, c’est trop du gâchis que vous soyez prof.

– Ah.

– Vous auriez dû être avocate ou politicienne ou chef de gang, vous savez trop embrouiller !« 

 

 

L’Institut Montaigne propose de « rallumer la télévision »

Le rapport que vient de publier l’Institut Montaigne dresse un bilan de la filière audiovisuelle française et fait 10 propositions pour la faire rayonner à l’international.

La partie bilan de ces travaux dirigés par Xavier Couture (conseiller du Président d’Orange), Thierry Jadot (Président de Dentsu Agis Network)  et Natalie Rastoin (Directrice générale d’Ogilvy France), est assez sévère pour les éditeurs et producteurs de télévision français qui n’auraient pas su s’adapter au numérique, auraient gérés leurs chaînes à courte vue et, s’agissant des producteurs, auraient été incapables de rayonner au plan international. La réglementation et les politiques publiques ne sont pas épargnées, jugées ancrées dans les années 80 et parfaitement inadaptées aux enjeux d’aujourd’hui. Quant au groupe France Télévision il lui est reproché de « ne pas avoir joué son rôle de locomotive de l’innovation ». Bref, un constat sans concession, clair, très bien étayé et qui fait rêver à quelques réformes salutaires.

Les contributeurs proposent justement des pistes de réformes autour de trois axes. Le premier vise à créer trois fonds stratégiques au sein du CNC, numérique, international et de soutien aux jeunes talents, le second axe propose de « mettre en place une règlementation qui libère la prise de risque », enfin le troisième axe ambitionne de « faire rayonner l’excellence culturelle française ». L’objectif de ce dispositif est de permettre aux diffuseurs de s’adapter à la concurrence et de résister au numérique tout en préservant une certaine forme d’exception culturelle si chère à la France.

Un rapport riche et passionnant pour qui s’intéresse à l’audiovisuel et à ses enjeux. Vous pouvez le charger ici.

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Logement : François Fillon a des idées.

L’ancien premier ministre a dégainé cette semaine un arsenal de propositions pour le logement. François Fillon, candidat à la primaire UMP de 2016, devance ainsi Nicolas Sarkozy mais également l’ensemble de l’UMP.

François Fillon semble convaincu qu’il est en mesure de remporter la primaire de l’UMP de 2016, en vue des élections présidentielles de 2017, sur le terrain des idées. Alors, il propose les siennes quitte à s’imposer au nez et à la barbe de ses concurrents et en avance sur son parti.

Il part d’un constat : l’échec des politiques du logement depuis quarante ans. Il parvient à une liste de propositions plus ou moins décapantes dont la première serait l’abrogation de la loi Alur de Cécile Duflot et la suppression de l’encadrement des loyers, l’idée est de créer un vent de liberté afin de relancer la construction dans le neuf et les réhabilitations dans l’ancien.

Autre proposition : une réforme de la fiscalité qui passerait par l’exonération totale d’impôts sur les plus-values, la mise en place d’une TVA réduite pour l’achat de la résidence principale, la suppression des droits de mutation, le tout financé par un relèvement de la taxe foncière sur les terrains non bâtis constructibles.

Il n’oublie pas les aspects sociaux en créant une prestation sociale unique qui regrouperait l’ensemble des aides existantes et serait gérée par les collectivités locales. Enfin, la politique publique en matière de construction de logements sociaux seraient intégralement revue avec pour objectif d’avoir une approche plus localisée.

On connait l’importance du logement dans l’économie nationale, ces propositions marquent donc une étape. En outre, l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy semble vouloir se différencier par une forte volonté de reformer.

Et maintenant ?

Quelle semaine !  Mardi matin on imaginait que la Loi Macron serait votée avec, certes, quelques tensions à gauche mais avec une majorité puis, patatras …

En l’espace de quelques heures ce projet de loi dont on voyait bien qu’il cristallisait de nombreuses divergences tant à droite qu’à gauche s’est transformé en mélodrame politique dont la Vème République a le secret.

Une gauche brisée net dans son élan

Dans cette affaire, un groupuscule de députés a réussit à imposer le recours au 49.3 au gouvernement, à lui faire subir une motion de censure et à briser net le nouvel élan qu’il était en train de donner au quinquennat Hollande. En trois jours, nous avons assisté en direct au psychodrame d’une gauche tiraillée entre des « anciens et des modernes » dont les postures sont de moins en moins conciliables.

Reconnaissons également que cette séquence a permis de confirmer l’autorité du Premier ministre dont la volonté d’avancer et de réformer s’est clairement exprimée et, sans relâche, confirmée. Au passage, Manuel Valls aura volé la vedette à un Emmanuel Macron en pleine ascension et dont le charisme et la détermination se sont également imposés au cours des débats.

Une droite incapable de sortir d’une opposition stérile

Le comportement de la droite n’a pas été brillant. Elle n’est pas parvenue à sortir d’une opposition stérile et sans vision. Les interventions lors du débat sur sa motion de censure jeudi soir ont été calamiteuses et d’un niveau si bas que l’on a peine à y croire. Cette Loi Macron reprend pourtant des propositions portées par la droite, elle permet d’initier des réformes dont le pays a besoin et que l’UMP peut difficilement remettre en question, même si elles sont encore très timides.  Au lieu de soutenir le texte après les 1000 amendements adoptés, la droite a fait le choix de s’échouer dans une opposition sans avenir… Le vote de la motion de censure, avec les plus à gauche de la gauche et le FN, a laissé une image trouble.

Quelques parlementaires de droite se sont illustrés lors des débats, notamment Frédéric Lefebvre dont les prises de position pourraient faire date. Le groupe UMP a également montré son unité lors du vote de la motion de censure, malgré des divergences internes sur la Loi elle-même. Mais globalement, la droite ne sort pas grandit de cette semaine dont on ne peut s’empêcher de penser que la dramaturgie était dictée par la perspective des élections départementales à venir et par le risque d’une démonstration de l’existence d’un front UMPS si l’UMP avait voté la Loi Macron… Bref, du petit calcul politicien qui tient les intérêts réels de la France assez éloignés des bancs de l’Assemblée Nationale.

Une prise de conscience des politiques ?

On dit que le gouvernement serait aujourd’hui incapable de gouverner car il ne dispose plus de majorité. Pas si sûr. Les quelques « frondeurs » bruyants et peu nombreux n’ont finalement pas voté la Motion de Censure, ils ne sont pas allés au bout de leur travail de sape. Ils ont manqué de courage. Le gouvernement et les autres députés socialistes leur ont signifié clairement qu’il fallait désormais choisir son camp. Quant au 49.3 il sera à nouveau utilisable lors de la Session parlementaire de septembre… La majorité va donc pouvoir se reconstruire avec des alliés qui pourraient trouver une place au gouvernement dès le 23 mars. Nous verrons.

Du côté de la droite, une page semble se tourner, doucement mais surement. Si l’unité totale du groupe UMP s’est faite autour de cette motion de censure, sous la pression des Départementales et des Régionales à venir, cette semaine a sans doute fait prendre conscience à de nombreux députés UMP q’ils ne pouvaient plus continuer ainsi. Il est grand temps de se mettre au travail pour apparaitre en 2017 comme une alternative crédible. L’UMP doit trouver ses fondamentaux politiques et économiques, il lui reste deux ans pour les faire exister. C’est peu.

Notre pays est bloqué par des archaïsmes qu’il ne peut plus s’offrir, les entreprises doivent être mieux accompagnées et trouver leur place dans le débat démocratique. De nombreux élus, de tous bords, semblent prendre conscience que la sortie de la crise ne se fera qu’au prix de réformes volontaristes et ambitieuses.

Finalement, c’est assez nouveau, cela redonne espoir en la politique.

Mathieu Quétel, président de Sountsou