L’actu

Auteur/autrice : Mathieu Quétel

Les chiffres clés de la semaine…

La chute du net, le royaume des gens heureux, le nouveau lobbying de Google, le bonus fiscal secret, le numérique, quelques uns de nos chiffres clés de la semaine qui donnent à réfléchir, s’extasier ou à grogner…

2023

C’est l’année du « capacity crunch » de l’internet, selon des scientifiques de l’université d’Aston de Birmingham, qui se sont livrés au Daily Mail, repris par BFMTV. Selon eux, la montée en puissance de la demande rend les capacités d’accès à internet trop limitée et le système pourrait donc s’effondrer dès 2023, si des mesures drastiques ne sont pas prises. Autre sujet de préoccupation des scientifiques, plus inattendu celui là, c’est le problème que pose internet en terme de consommation d’énergie. Selon eux, 16% de la consommation d’énergie du Royaume Uni serait déjà mobilisée pour les besoins de l’internet et cette consommation est multipliée deux tous les quatre ans. Les scientifiques prévoient donc que les coûts d’accès au net explosent car les fournisseurs d’accès pourraient être contraints de faire payer au consommateur final les investissements colossaux consacrés, notamment, à la fibre.

2,6

C’est le coût, en millions d’euros, des indemnités versées par l’État à chaque académicien en 2013. L’un des chiffres, pour le moins, hallucinant cité dans le rapport sur l’Académie française que la Cour des comptes vient de publier. Ce rapport est accablant pour l’Institut de France et les cinq académies qui semblent fonctionner en roue libre et en déconnexion totale du monde réel. Ce petit espace feutré est décrit dans le rapport comme une parenthèse de privilèges exorbitants et d’arrangements surprenants. C’est ainsi que, selon l’académie, la masse salariale a été augmentée de 6 à 60% depuis 2005, à effectif constant… Quant aux logements de fonction, on atteint des sommets, des académiciens ont profité d’appartements, pendant des dizaines d’années puis, après leur mort, leur veuve a pris le relai…

150

C’est en millions d’euros, la somme dont sera doté le Digital New Initiative (DNI), le Fonds européen pour la presse numérique que vient de créer Google, dans un contexte tendu pour le géant américain qui est visé par une procédure pour abus de position dominante récemment lancée par Bruxelles. Ce fonds remplacera le Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP), doté de 60 millions, qui s’arrêtera en 2016 et qui ne visait jusqu’ici que la presse française. On peut être surpris qu’un fonds national de 60 millions d’euros soit remplacé par un fonds européen de 150 millions, il parait évident que le compte n’y est pas… C’est précisément le sujet de tensions autour du DNI que les éditeurs français commencent à critiquer. Ce Fonds doit aider la presse à innover dans le numérique, il vise également à apaiser les relations entre le géant américain et les éditeurs de presse qui lui reprochent de se servir dans leurs contenus éditoriaux et de profiter seul de la manne publicitaire. Vaste et difficile sujet que Google pensait contourner en nouant des partenariats particuliers avec huit journaux européens (Les Échos pour la France), dans le but de diviser ? L’enjeu est de taille car la presse joue son avenir, sur les 2,9 milliards de publicité internet en 2014, seuls 400 millions ont été dirigés vers la presse dénonce un groupe de presse français sous couvert d’anonymat, au magazine Challenges.

2,3

C’est, en millions, le nombre de Français abonnés à une plate-forme de streaming (Deezer, Spotify…) en 2014. Le numérique a remis en question le modèle économique de la musique depuis longtemps. L’annonce par Bruxelles, cette semaine, d’un programme d’harmonisation européenne des droits d’auteur ne manque pas d’attiser les convoitises. Mardi dernier, les représentants des auteurs-interprètes ont justement fait le voyage de Bruxelles pour exiger une plus juste rémunération de leur travail de la part des plates-formes de streaming. Ces dernières estiment déjà verser une très grande part de leurs recettes aux producteurs, cette ponction handicaperait fortement leur capacité d’investissement, alors rémunérer les auteurs-interprètes… Dans ce contexte, les plates-formes estiment que les auteurs-interprètes devraient négocier en direct avec les producteurs, mais ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille. Il n’en reste pas moins que le paysage de la musique a été profondément bouleversé et que la remise à plat du système de rémunération de la filière ne semble pas une idée aussi saugrenue que cela.

7

C’est en millions d’euros, l’investissement de Yara SA pour ses opérations de lobbying à Bruxelles. Une somme très importante qui traduit, en chiffres, les enjeux que représentent les décisions de l’Europe pour l’accès de certaines firmes au marché uni. Philip Morris serait, selon Lobby Facts, la seconde entreprise à mobiliser des sommes importantes pour le lobbying européen avec environ 5 millions d’euros. L’agriculture et la cigarette sont donc les deux premiers enjeux des lobbyistes à Bruxelles. Le troisième reste le pétrole avec ExxonMobil qui investirait un peu moins de 5 millions d’euros par an dans ses relations institutionnelles avec l’Europe, l’électronique apparait au même niveau. La première entreprise Française est GDF avec un peu plus de 2 millions d’euros. Si le montant de l’investissement en lobbying de Microsoft, soit 4,5 millions d’euros n’est pas une surprise, celui de Google qui ne serait en 2014 que de l’ordre de 1,5 million, surprend, selon le NYT le géant américain aurait déjà investit, pour les trois premiers mois de l’année,  5 millions de dollars pour ses opérations de lobbying à Washington.

15,2

L’Autorité de la concurrence vient d’infliger une amende forfaitaire de 15,2 millions d’euros à vingt et un industriels de la volaille. Contrairement aux apparences, l’Autorité a été clémente et a même dérogé à ses propres règles. Elle a tenu compte des difficultés de la filière avicole et a obtenu du cartel des vingt et un industriels concernés un engagement de mettre en place une interprofession afin de faire face à un marché chahuté. En cause, le fait que le transformateur est le seul à assumer le risque lié à la volatilité des prix des céréales qui représentent près de 70% du prix d’une volaille. Un mandataire ad hoc sera chargé du suivi de la création de cette interprofession et livrera un rapport semestriel sous le contrôle de l’Autorité de la concurrence. Il n’en reste pas moins que la société LDC (Loué) est mécontente d’avoir écopé de la plus forte amende, 5 millions d’euros, alors qu’elle milite depuis longtemps pour la création de cette interprofession, dont elle devrait être d’ailleurs le chef de file.

7

Interrogés par l’Insee, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière estiment à 7% la hausse de leurs investissements en 2015, contre une évaluation à 3% en janvier. Cette prévision n’est pas anodine, en effet, un tel niveau d’investissement n’a pas été atteint depuis 2011. En outre, les mesures du plan Valls vont sans doute encore amplifier cette tendance à la reprise. Avec un bémol, rappelé par CEO-Rexecode, les industriels vont surtout engager des investissements de renouvellement qui ne seront donc pas consacrés directement au renforcement de leur capacité de production.

60

Selon Pivotal Research, Google et Facebook ont capté, en 2014, 60% des investissements publicitaires en ligne aux États-Unis, soit, 49,5 milliards de dollars. Au premier trimestre 2015, cette tendance lourde se confirme avec une progression des recettes publicitaires de Facebook de 41,6%, selon Les Échos, et de 11,9% pour Google par rapport aux trois premiers mois de 2014. Les annonceurs semblent favoriser les très fortes audiences des deux leaders et leurs capacités à la fois d’expertise et de segmentation de leur audience en fonction des attentes des investisseurs.

9

C’est en millions, le nombre de foyers qui devrait bénéficier du bonus fiscal décidé par le gouvernement, fin 2014. 6 millions d’entre eux verront leur impôt diminuer et 3 millions sortiront de l’impôt sur le revenu. Du pain béni en terme de communication pour un gouvernement en difficulté et qui va entrer dans une période décisive avant la présidentielle de 2017. Sauf que les foyers concernés par ces bonnes nouvelles fiscales ne sont pas forcément informés de la bonne nouvelle. Le gouvernement craint qu’une communication massive et trop précise en direction des heureux bénéficiaires de la mesure ne se retourne contre lui. En cause, la complexité de notre système fiscal et le risque d’erreurs que pourraient intégrer de mauvais calculs établis par l’Administration, notamment pour certaines situations complexes…

16

C’est le nombre de chantiers, lancés par Bruxelles, dans le but de mettre en place un véritable marché unique numérique européen. Ce vaste Plan d’action, présenté le 6 mai, prévoit autour de 3 piliers, d’harmoniser les pratiques afin de générer plus de business au sein de l’Union. Bel objectif pour un casse-tête digne de l’Europe ! En effet, les sujets de tensions et les approches différentes sont multiples au sein même de la commission. Le Plan concerne de nombreux secteurs comme le e-commerce, les télécoms ainsi que les droits d’auteur. Ce dernier thème est particulièrement observé car la France et l’Allemagne ne souhaitent pas que le principe de territorialité soit remis en question quand d’autres envisagent une remise à plat du système. Le consensus devrait finalement se construire sur un Plan numérique qui devait surtout relever d’une approche technique et qui s’est transformé au fil des mois en enjeu politique.

Quand l’usine à gaz fiscale ruine une belle opération politique

C’est l’histoire d’un cadeau fiscal impossible à vendre sur le plan politique. 

Fin 2014, le gouvernement décide de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu. Une mesure qui devrait toucher directement 9 millions de foyers, dont 6 millions vont bénéficier d’une diminution de leur impôt et 3 millions carrément sortir de l’impôt sur le revenu !

Du pain béni en terme de communication pour un gouvernement en difficulté et qui va entrer dans une période décisive avant la présidentielle de 2017. Sauf que les foyers concernés par ces bonnes nouvelles fiscales ne sont pas forcément informés de ce cadeau gouvernemental. Et ce n’est pas tout, ou pas le pire… En vérité, le gouvernement craint qu’une communication massive et trop précise en direction des heureux bénéficiaires de la mesure ne se retourne contre lui.

En cause, la complexité de notre système fiscal et le risque d’erreurs que pourraient générer de mauvais calculs établis par l’Administration, notamment pour certaines situations complexes… Bref, le gouvernement est victime de notre usine à gaz fiscale qui va l’empêcher de communiquer comme il devrait sur le bonus fiscal mis en place pour redonner un peu de pouvoir d’achats aux Français…

Michel Sapin, le Ministre des Finances, a annoncé, un brin gêné, sur Europe 1 le nouveau plan de communication envisagé par le gouvernement : « À la rentrée, 9 millions de foyers vont recevoir un petit mot disant : « Vous avez bénéficié des baisses d’impôts, vous pouvez calculer d’ailleurs le montant exact de votre baisse d’impôts ».»

L’avis incitera en fait le contribuable à se rendre sur le site internet des impôts afin de calculer ce qu’il aurait du régler au fisc sans le bonus fiscal dont il a bénéficié.

Imaginer une communication plus complexe pour expliquer à 9 millions de foyers que le gouvernement leur fait un cadeau, aurait sans doute été très… compliqué.

Lobbying : Google crée un Fonds européen

Accusé par Bruxelles d’abus de position dominante, Google se lance dans une opération de lobbying ciblée vers les éditeurs de contenus. Il crée un Fonds européen pour la presse numérique, doté de 150 millions d’euros. 

Le Digital New Initiative (DNI),  remplacera le Fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP), doté jusqu’à présent de 60 millions, qui s’arrêtera en 2016 et qui ne visait jusqu’ici que la presse française. Celle-ci a bénéficié, sur trois années, de ce soutien pour lancer des projets sur internet co-financés par le géant américain.

On peut être surpris qu’un fonds national de 60 millions d’euros soit remplacé par un fonds européen de 150 millions, il parait évident que le compte n’y est pas… C’est précisément le sujet de tension autour du DNI que les éditeurs français commencent à pointer du doigt. Ce Fonds doit aider la presse à innover dans le numérique, il vise également à apaiser les relations entre le géant américain et les éditeurs de presse qui lui reprochent de se servir dans leurs contenus éditoriaux et de profiter de la manne publicitaire dont ils ne voient plus la couleur.

Vaste et difficile sujet que Google pensait contourner en nouant des partenariats particuliers avec huit journaux européens (Les Échos pour la France), dans le but de diviser ?

L’enjeu est de taille, la presse joue son avenir : « sur les 2,9 milliards de publicité internet en 2014, seuls 400 millions ont été dirigés vers la presse » dénonce, au magazine Challenges, un grand éditeur français sous couvert d’anonymat.

Ce Fonds européen répond-il vraiment aux enjeux de la presse et des producteurs de contenus éditoriaux face aux agrégateurs qui se servent sans rien rétrocéder ?

La presse cherche toujours son modèle économique sur le net, partagée entre accès gratuit et payant, entre modèle basé sur les abonnements ou un mix entre abonnements, articles payants à l’unité et publicité. Or, les saignées publicitaires opérées par les géants du net ne l’aident pas à trouver le bon chemin.

Cette démarche de Google est intéressante car le géant américain tente vraisemblablement de jouer un jeu complexe entre apaisement des éditeurs, tout en montrant leurs divisions et contournement de Bruxelles. La méthode sera-t-elle payante ?

Lobbying : Les cadeaux ne sont pas indispensables

La question des cadeaux comme des déjeuners dans de prestigieux restaurants devient un véritable sujet. Il y a encore quelques années, cette pratique était automatique et ne posait de problème à personne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Faire un cadeau au moment de la nouvelle année ou pour remercier un élu pour un conseil ou un coup de pouce n’est pas nécessairement une faute, mais cette démarche ne doit pas être systématique et il faut qu’elle intègre impérativement la question de la valeur du cadeau. Ce geste de courtoisie doit précisément rester « un geste ».

Un cadeau peut être mal interprété et certains décideurs politiques adoptent la position radicale du « zéro cadeau » : il convient donc de bien connaître son interlocuteur pour adopter une démarche adaptée. Une parlementaire m’expliquait récemment comment un jeune industriel avait, un jour, sollicité un rendez-vous et l’avait choquée en débarquant pour ce premier entretien avec une bouteille de champagne ! Je pense qu’il va être difficile pour ce patron, de redevenir crédible aux yeux de cette parlementaire influente et compétente, mais très attachée à ses principes…

Ce comportement un peu caricatural, qui dénote tout de même un mode de communication avec les élus très « old school », peut donner une image à la fois peu professionnelle et, dans un secteur régulé (par exemple), cela peut coûter cher sur le long terme.

D’une façon générale, le cadeau est devenu inutile, voire contre-productif s’il ne revêt pas un intérêt dans la démarche de conviction et d’explication par rapport à une problématique. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un cadeau mais d’une découverte du produit. Cette démarche peut être utile dans le domaine technologique, par exemple, ou pour une découverte de la réalité de ce qu’apporte au consommateur tel ou tel produit.

La pratique du déjeuner ou du petit déjeuner est, de la même façon, à manier avec prudence. Les élus sont très occupés et ne sont pas forcément disponibles pour la multiplication de telles rencontres, d’autant qu’elles doivent s’inscrire dans leurs deux ou trois jours de présence parisienne (pour les parlementaires de province), lesquels sont optimisés. Les lieux doivent être choisis avec précaution et il n’est vraiment pas recommandé de fréquenter les palaces parisiens ou les tables les plus étoilées. Là encore, il faut s’adapter.

Les cadeaux sont donc à manier avec prudence et il faut bien connaître son interlocuteur avant d’envisager une telle démarche qui, de toute façon, doit rester exceptionnelle, limitée en coût, et dans l’idéal, strictement dans un but d’explication de la réalité de l’entreprise.

Mathieu Quétel, président de Sountsou, auteur des Cahiers Experts « Les 10 erreurs à éviter en relations institutionnelles »

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