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Les entrepreneurs doivent se saisir du retour du « politique »

Quel étrange contraste, il y a un an nous étions en plein débat autour des primaires de la droite et jamais le « politique » n’avait semblé si affaibli. Aujourd’hui, tout le monde évoque le tout puissant « Jupiter » qui contrôlerait le pays depuis l’Élysée entouré d’une poignée de fidèles…

7 mai 2017, second tour de la présidentielle qui portée Emmanuel Macron à la présidence de la République. 18 juin 2017, second tour des élections législatives, majorité massive du nouveau président de la République à l’Assemblée Nationale. 22 septembre 2017, signature devant les caméras de télévision, depuis l’Élysée, des ordonnances mettant en oeuvre l’une des promesses de campagne du candidat Macron, la réforme du droit du travail.

Il l’a dit. Il le fait. Électeurs, partis politiques, citoyens en général semblent comme saisis par cette quasi instantanéité entre les promesses et les premières salves de réformes concrètes qui irriguent déjà leur quotidien. L’opposition des deux grands partis traditionnels de gouvernement est atone, enlisée dans une refondation qui prendra du temps. Le Front National, considéré il y a peu comme un recours nécessaire par 25% des Français est lui aussi en crise. Seul Jean-Luc Mélenchon et ses quelques élus agressifs et décomplexés semblent en mesure d’incarner une opposition parlementaire, sinon crédible au moins présente sur les chaines d’information en continu.

Que l’on apprécie ou pas ce début de quinquennat, que l’on soit « macroniste » ou pas, la recherche d’efficacité en politique semble de retour. Certains « experts » du commentaire glosent sur la transformation de « l’esprit de la Cinquième République », dénoncent ces députés « novices », presque « incompétents ». Ils oublient que parmi les 577 députés de la précédente législature, peu resteront dans les annales pour leurs grandes compétences et leur apport décisif au fonctionnement de notre République.

Pire, l’élection d’Emmanuel Macron, quasi inconnu deux ans à peine avant de devenir Président de la République sonne comme une sanction des années de dérives d’un système politique qui n’était plus ni compris, ni accepté par nos concitoyens. Ils ont donc décidé de donner leur chance à de nouveaux élus, autant de nouveaux profils et de nouvelles expériences à qui la lourde charge a été confiée d’initier la réforme d’un vieux pays enkysté, depuis trop longtemps,  dans ses contradictions et ses réticences à toute remise en question.

Reconnaissons-le, les entrepreneurs n’en pouvaient plus de cette surenchère législative et réglementaire, de la multiplication des normes, de ce code du travail impossible à réformer. Ils demandaient, depuis des décennies, un peu de « respiration », une plus grande attention à leurs besoins, une approche moins caricaturale et moins brutale de leur réalité. Droite et gauche n’avaient pas osé s’engager véritablement dans cette voie. Elles ont tout perdu.

Il est beaucoup trop tôt pour parier sur la réussite ou l’échec de ce quinquennat mais ces quatre premiers mois signent un véritable retour du « politique » qui montre la voie, dessine un avenir et envisage d’autres chemins que ceux du passé. Le monde économique ne s’y retrouve pas tout à fait mais il observe avec attention cette nouvelle approche qui le prend enfin en considération.

On objectera que les côtes de popularité de l’exécutif sont en chute libre. Cette « désaffection » est rassurante, elle est le reflet d’un pays qui est sans doute un peu bousculé dans ses habitudes mais également en forte attente. Pour le moment, la désaffection des sondages ne se traduit pas par des manifestations de rue si massives qu’attendues. Les Français sont sceptiques, ils attendent des résultats mais ils ne sont pas forcément en colère. En outre, un sondage Ifop pour le JDD, publié le 24 septembre, montre que la dégringolade semble être enrayée, le président de la République voit en effet le taux de satisfaction à l’égard de son action bondir de 5 points. Ce redressement ne fait certes pas de lui un président populaire mais il stoppe sa chute et, surtout, marque une rupture nette avec les tendances enregistrées par ses prédécesseurs. Les analyses formatées ne s’appliquent décidément plus à cette présidence.

Quant aux entreprises, elles doivent se mobiliser et organiser leurs démarches d’influence avec beaucoup de rigueur. Si le retour, tant attendu, du « politique » se confirme, elles devront être en position de convaincre. Les réformes vont se succéder et le risque est grand pour le monde économique de passer à côté de cette opportunité de prendre part à ce mouvement.

En effet, les codes ont changé en profondeur. Les méthodes d’influence d’hier ne sont plus de mise et il convient d’adopter un lobbying renouvelé, en adéquation avec un personnel politique dont les attentes sont très différentes de celles de la précédente législature. Toutefois, contrairement à une idée reçue, ces changements ont été initiés depuis plusieurs années, une nouvelle génération d’élus est apparue au fil des élections et elle a déjà engendré des changements. Outre, les personnes, les structures changent, notamment avec l’application de la loi NOTRe ou sur le non cumul des mandats. Les exécutifs territoriaux deviennent de plus en plus puissants, ils pèsent sur un certain nombre de décisions, cette réalité doit être prise en compte dans votre lobbying territorial.

Outre le gouvernement, les députés et les sénateurs restent au coeur du dispositif, contrairement à ce qui est affirmé ici ou là. Il est donc indispensable de se donner les moyens de les convaincre et de leur donner les bonnes informations pour qu’ils prennent des décisions éclairées. Le fait que le Sénat reste dans l’opposition, certes « constructive », est également un atout à prendre en considération.