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Quand faut-il initier une action de lobbying ?

Une action de lobbying se prépare et doit-être lancée au bon moment. Avec Simon Janvier, journaliste, Mathieu Quétel fait le point pour la Radio des Entreprises. Une émission à écouter ici ou à lire ci-dessous.

Simon Janvier : Bonjour et bienvenue pour ce nouveau rendez-vous de « Lobby or not lobby » avec Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques. Mathieu, bonjour, aujourd’hui, vous répondez à la question : « Quand initier une action de lobbying ?».

 MQ : Bonjour Simon. Il s’agit de l’une des premières questions que se posent les entrepreneurs et les Fédérations professionnelles qui réfléchissent à ce sujet et ils ont raison !

 Déjà, en pleine campagne électorale, est-ce le bon moment pour démarrer une action de lobbying ?

 S’impliquer ou pas dans une campagne présidentielle est en effet une question à se poser. Certains estiment qu’initier une action de lobbying dans le cadre d’une campagne électorale est quasi-inutile car le candidat et son équipe de campagne vont surtout s’atteler à défendre des mesures facilement identifiables pour les électeurs. D’autres au contraire militent pour une forte implication dans une démarche d’influence au moment des élections pour se faire connaître, défendre des préoccupations spécifiques ou repérer les dirigeants de demain.

Et vous Mathieu, qu’en pensez-vous ? Faut-il prendre des initiatives en matière de lobbying en période de campagne électorale ?

Oui, Simon, je suis convaincu qu’une période électorale est un excellent moment pour initier une démarche d’influence tant au plan interne qu’externe. Au plan interne, l’engagement d’une action de lobbying permet de mobiliser vos adhérents, de les associer à un projet collectif stratégique. Une stratégie d’influence suppose de faire le point sur ce que l’on est, ce que nous voulons et sur les blocages qui pèsent sur nos activités. Elle doit reposer sur un accord collectif sur les enjeux principaux à défendre et sur des mesures partagées à demander aux décideurs politiques. Il s’agit donc d’un exercice interne structurant et mobilisateur qui ne pourra apporter que du positif au fonctionnement de votre Fédération professionnelle.

Là, vous venez de faire le point pour les Fédérations professionnelles, mais pour les entreprises ?

 En ce qui concerne les entreprises, qui ne sont pas membres d’une Fédération professionnelle ou qui souhaite initier en solo une action de lobbying, l’élection présidentielle et les législatives qui suivront, constituent également une excellente opportunité pour initier une prise de parole institutionnelle. Nous avons déjà évoqué ensemble, le lobbying territorial, les entreprises concernées ont tout intérêt à favoriser cette stratégie en se reposant sur les relais politiques locaux, proches de leurs établissements ou usines, dans le cas d’industries.

Quels sont les messages à porter auprès des candidats ?

Comme je l’expliquais, vous devez au préalable, en interne, procéder à un état des lieux précis de vos demandes, des points de blocages réglementaires que vous devez affronter, des demandes administratives en suspens, ou encore des tracasseries multiples qui empoisonnent votre quotidien… Ensuite, listez-les, priorisez-les et, surtout, évitez la « liste de courses », sachez mettre en avant une ou deux demandes prioritaires afin que vos interlocuteurs puissent comprendre vos préoccupations.

Mais, ensuite, comment faire pour porter ces messages ?

Il faut repérer, d’abord à proximité de vous, les élus ou candidats, voire les membres des équipes de campagne qui pourraient être des relais efficaces. Ensuite, privilégiez les contacts directs et personnels, évitez les courriers descriptifs de vos besoins, ils ne donneront lieu qu’à des réponses-type pour noyer le poisson. Il faut voir vos contacts institutionnels pour défendre vos demandes. Repérez également celles et ceux qui sont spécialisés autour de vos problématiques. Il est très fréquent que des parlementaires investissent une niche d’expression et se spécialisent, cela leur permet d’accroître leur visibilité.

La période électorale est tout de même un tourbillon, les chefs d’entreprise peuvent avoir l’impression de brasser du vent, non ?

Ces périodes sont un moment démocratique qui permet de préparer l’avenir. Le travail initié pendant la campagne va permettre de repérer les dirigeants politiques qui devraient être aux postes de décision dans les prochains mois. Ils vous auront rencontré en campagne, ils vous connaîtront, vous gagnerez ainsi un temps précieux.

Maintenant, soyons francs, cette élection présidentielle est particulière. Les soubresauts des primaires, puis des affaires, ne facilitent les prises de contacts. Les équipes sont sous-tensions et nous entrons dans une phase de sprint à moins de 70 jours de l’élection.

Les élections semblent donc constituer une bonne période pour se lancer dans une action de lobbying, mais est-ce la seule ?

 J’ai pour habitude de dire que le lobbying est un travail de fonds qui doit s’inscrire dans la durée. Vous pouvez initier une démarche dès lors que vous sentez que vous aurez besoin de lever des freins institutionnels ou, par exemple, que votre secteur d’activité va être impacté par un projet de loi ou une nouvelle règlementation. En tout cas, ne vous limitez pas à du « one shot ».

Que voulez-vous dire par « one shot », Mathieu ?

Et bien, trop souvent, les Fédérations ou les chefs d’entreprise attendent le dernier moment pour défendre leurs positions ou propositions, ils réagissent, par exemple, lorsqu’un projet de loi est présenté en Conseil des ministres. Mais cela relève de la gestion de crise, c’est un peu tard. Le lobbying c’est également un travail de veille. Pour être efficace il doit être initié très en amont. Si on veut espérer peser vraiment sur les décisions, il faut connaître les décideurs politiques et administratifs, être auditionnés dans les périodes de préparation des textes de loi et disposer en permanence d’argumentaires à jour et de demandes en adéquation avec ce qui est faisable…

Il n’y a donc pas de moment idéal pour se lancer dans une démarche d’influence ?

 Je dirais tout de même que les périodes électorales et les débuts de législature sont des moments privilégiés. Ils permettent de repérer de nouveaux interlocuteurs, de miser, par exemple, sur de jeunes parlementaires qui vont être amenés à prendre des responsabilités ou, simplement, qui sont à la recherche de territoires d’expression. L’essentiel est bien d’installer la démarche dans la durée, de maintenir les liens et de rester à l’écoute des signaux qui annoncent d’éventuelles évolutions réglementaires dans votre périmètre.

 Mathieu Quétel, il me reste à vous remercier, je rappelle que vous êtes le président de Sountsou- Affaires Publiques et l’auteur de l’ouvrage «Entrepreneurs, faites-vous entendre des politiques – Secrets du lobbying efficace » qui vient de paraitre chez Kawa éditions. Nous vous retrouvons très vite dans un nouveau numéro de « Lobby or not lobby ».