L’actu

Auteur/autrice : Mathieu Quétel

Radio France : carton rouge des sénateurs

Les sénateurs devaient se prononcer la semaine dernière sur le COM de Radio France, c’est à dire son budget et son projet pour les prochaines années, ils ont fait le choix d’adresser à la Maison Ronde un sévère carton rouge.

Les sénateurs ont donc adressé un non ferme au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de Radio France. Il souhaitent par ce vote négatif alerter sur le manque de vision du COM et son absence d’axe réformateur dans un contexte budgétaire fortement dégradé qui devrait imposer de revoir l’organisation du groupe.

Si ce non est adressé bien entendu au président de Radio France, Mathieu Gallet, il sonne également, en creux, comme une critique du CSA, l’autorité de régulation qui a désigné le jeune PDG il y a un an et la ministre Fleur Pellerin qui ne l’a pas beaucoup aidé lors de la crise historique du service public de la radio, au printemps dernier.

Finalement, l’élan réformateur de Mathieu Gallet, même s’il était loin d’être parfait, a été stoppé net par l’attitude peu claire de Fleur Pellerin pendant la crise. La ministre de la Culture et de la Communication n’a cessé de jouer avec le feu et n’a pas hésité à mettre en porte à faux le PDG du service public de la radio alors qu’il avait déjà à gérer la plus longue grève de l’histoire de la radio publique. Quelques mois après, le bilan est déplorable. Le COM, négocié pendant 18 mois, accouche d’une souris et le management semble condamné à gérer les affaires  courantes sans possibilité d’imprimer sa marque et de pouvoir donner à Radio France les moyens d’affronter sereinement l’avenir.

La tutelle de l’Etat ne joue pas son rôle, elle ne fixe aucun cadre, ne donne pas les moyens et encore moins les soutiens pour que les dirigeants de la Maison Ronde puissent engager une quelconque réforme. Quant au CSA, il aura été le grand absent de la crise, juste capable de soutenir du bout des lèvres et en coulisses celui qu’il avait nommé avec grandiloquence un an plus tôt.

Or, le régulateur a sans doute raté un rendez-vous important. La loi lui a conféré de nouveaux pouvoirs en lui permettant de nommer directement les dirigeants de l’audiovisuel public, et  jusqu’à présent ses décisions ont été entachées de rumeurs, de suspicions et de doute.

C’est sur cette situation que les sénateurs ont voulu alerter les uns et les autres, alors que l’Assemblée Nationale a quant à elle adopté le COM même si la rapporteure, Martine Martinel, n’a pas manqué de souligner son caractère un peu « chantier ».

Le Sénat marque sa différence d’approche et attire surtout l’attention sur le fait que des réformes, qui ne devraient épargner aucune institution, seront vraisemblablement engagées en cas d’alternance en 2017. Les PDG des entreprises publiques de l’audiovisuel devront en tenir compte. Et se tenir prêts à de sérieuses remises en question.

Les 5 propositions des entrepreneurs

400 entrepreneurs, originaires des pays les plus puissants du monde se sont réunis afin d’adresser à leurs gouvernements respectifs des propositions concrètes pour créer un cadre plus favorable à l’économie et l’entrepreneuriat.

La France a accueilli, le 10 décembre, la 8ème Conférence Annuelle des Entrepreneurs, l’occasion pour la délégation française du G20 YEA (Young Entrepreneurs Alliance) de présenter ses recommandations au gouvernement. Ce sont donc 22 recommandations réparties en 5 propositions qui ont été transmises.

La première proposition vise à « réformer en profondeur le droit du travail », en réservant plus de place au contrat de travail et en favorisant les accords d’entreprise pour l’emploi, le temps de travail ou les salaires.

La seconde proposition ambitionne de « simplifier le contrat de travail », cela passerait par une refonte du code du travail, un projet d’ailleurs lancé par le gouvernement mais dont les objectifs apparaissent à ce stade peu prometteurs d’évolution notable.

La troisième proposition invite à « concevoir un environnement fiscal et règlementaire propice à la croissance des entreprises et à la création d’emploi », avec une réduction de la fiscalité, notamment sur le travail, la mise en place d’un taux d’impôt réduit pour les jeunes entreprises ou encore la création d’un crédit d’impôt fonds propres pour les PME.

La quatrième proposition promeut une « adaptation de l’enseignement et de la formation à trois impératifs : développement d’une culture entrepreneuriale, ouverture vers la mondialisation et adaptation des compétences professionnelles aux besoins des entreprises ».

Enfin, les entrepreneurs proposent de « réorienter une plus grande partie de l’épargne (notamment salariale) vers l’économie réelle au travers de « fonds de pension à la française » permettant aux entreprises de bénéficier de capitaux long terme ».

Vers un lobbying entrepreneurial plus offensif ? 

Ces dernières semaines sont marquées par une forme de regain d’intérêt des entrepreneurs à l’égard du politique. Nous vivons un instant démocratique propice à cette mobilisation puisque les élections régionales ouvrent la voie vers la présidentielle puis les législatives de 2017. Néanmoins, il semblerait que la posture des chefs d’entreprise soit un peu plus offensive qu’auparavant.

Il y a un an à peine, les patrons de PME envahissaient les rues de France pour crier leur ras le bol face aux différentes mesures fiscales et administratives qui ne cessent de s’amonceler et de peser sur leur activité, donc sur celle de notre pays. L’opération (risquée) organisée par la CGPME et qui portait le joli nom de « CadenASSEZ » fut un succès et 2015 fut marquée par un infléchissement de la politique économique du gouvernement, même s’il reste insuffisant.

La campagne des régionales a été émaillée de prises de position des entrepreneurs qui ont multiplié les propositions aux candidats pour que les 13 nouvelles régions accompagnent mieux leurs tissus économiques. Medef et CGPME ont rivalisé de livres blancs pour inciter les têtes de listes à une prise de conscience d’autant plus nécessaire que l’économie est une véritable compétence régionale.

Certes, à chaque élection les entrepreneurs formulent des idées mais cette fin d’année 2015 est incontestablement marquée par une plus grande visibilité médiatique et une moindre retenue de leur part, même si leur présence sur les listes aux régionales reste bien décevante.

La fin de campagne du premier tour avec la sortie du bois de Pierre Gattaz au sujet du projet économique du Front National est loin d’être anodine. Les entrepreneurs ne sont généralement pas friands de politique et ils rechignent d’autant plus à des postures partisanes publiques. Pendant plusieurs semaines, des frémissements se faisaient sentir du côté du monde de l’entreprise du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, des voix se faisaient timidement entendre pour alerter sur les risques d’une prise de pouvoir de Madame Le Pen à la tête du Nord.

Il y a quelques semaines, le jeune patron de la CGPME Picardie a tenu des propos fermes dans les médias locaux et régionaux mais sans réelle visibilité nationale. Le 1er décembre Pierre Gattaz, Président du Medef décidait de monter au front et de dénoncer une politique économique du FN proche voire identique à celle du Front de Gauche. Un pas considérable pour un mouvement patronal aussi important.

Monsieur Gattaz a bien veillé à limiter son propos au champ économique mais cette prise de parole publique et libre constitue une nouveauté. Il est déjà presque trop tard pour ces régionales 2015, le second tour va se jouer dans quelques jours. En ce qui concerne la présidentielle, le temps est venu de concrétiser cette approche plus offensive par une participation active et volontariste dans la construction des programmes des différents candidats.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.

Nos chiffres clés de la semaine

Hollande rebondit dans les sondages, les participations de l’État s’effondrent, la COP21 mobilise les milliardaires, Linky se déploie, l’automobile se reprend, les Français aiment le travail…

1.000.000

La PME Neoen a inauguré le 1er décembre la plus grande centrale photovoltaïque d’Europe à Cestas, près de Bordeaux. Elle est composée d’un million de panneaux solaires et occupe 260 hectares. Elle est en mesure de produire l’équivalent de la consommation de 50.000 foyers. La PME revend son électricité à EDF au prix de 105 euros le MWh pour une durée de vingt ans. Au démarrage du projet le prix envisagé était de 300 euros, mais entre temps les coûts des panneaux solaires ont été divisés par trois et les dirigeants de Neoen ont optimisé au maximum la surface occupée par leurs panneaux, c’est ainsi que le prix vendu à EDF a pu être divisé par presque trois. L’enjeu est à présent de trouver des débouchés pour de nouvelles centrales de ce type à l’export.

1

Les sociétés d’autoroute relancent leur bras de fer avec Ségolène Royal. Elles s’apprêtent en effet à augmenter leurs tarifs d’environ 1% à compter du 1er février 2016. Une augmentation que ne leur permet pas leur contrat de concession mais qui vient en règlement d’un vieux litige avec l’Etat qui traîne depuis 2012 et l’augmentation de 50% de la redevance domaniale. Les sociétés d’autoroute devait, en contrepartie, augmenter leurs tarifs de 1,5% entre 2016 et 2018. Mais en 2014, un rapport de l’Autorité de la concurrence avait relancé le débat en critiquant fortement leur gestion et l’Etat avait finalement gelé les tarifs pour 2015. Nous serons bientôt en 2016, les sociétés d’autoroute reviennent donc à la charge et entendent bien appliquer l’augmentation négociée en 2013 et renégociée en 2015 avec Ségolène Royal…

25

Bill Gates réunit 25 milliardaires décidés comme lui à venir en aide aux pays pauvres et leur faciliter l’accès aux énergies renouvelables. Le fonds créé et annoncé à l’occasion de la COP 21 mobilisera plusieurs milliards de dollars afin de soutenir des start-up qui ont pour objectif de réduire les émissions de CO2 dans l’agriculture, l’énergie, les transports ou l’industrie. À titre personnel, Bill Gates investira 2 milliards de dollars dans le fonds dont les investissements seront consentis dans un esprit de substitution aux États avec pour ambition de laisser du temps aux projets de se développer.

91

Interrogés par l’Ipsos à l’occasion de la 17ème journée du livre d’économie, 91% des Français ont déclaré aimer le travail. 71% d’entre eux associent d’abord l’argent au travail, 59% la nécessité et 47% l’épanouissement. 64% des interviewés se déclarent favorables à un assouplissement des règles de travail dominical et 73% pour les embauches et le licenciement. Les Français sont surprenants et confirment leur pragmatisme économique.

5

Un investissement de 5 milliards d’euros et la création de 10.000 emplois seront nécessaires pour le déploiement du compteur Linky d’EDF, destiné à équiper d’ici 5 ans 35 millions de foyers. Ce compteur nouvelle génération est bien plus qu’un simple compteur électrique, il s’agit d’un objet connecté qui pourrait tenir une place centrale dans les foyers. Les consommateurs disposeront d’informations en temps réel sur leur consommation électrique qui sera désormais facturée sur la base des consommations réelles. EDF estime que cette installation entrainera une baisse de la consommation d’environ 1% car les usages s’en trouveront modifiés.

10,1

Le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) vient d’annoncer une embellie inattendue des ventes de voitures en France pour le mois d’octobre avec une progression de 10,1%. Sur les dix premiers mois de l’année, la progression est de 5,3%. Les constructeurs Français ont vu leurs ventes progresser de 2,7% depuis le début de l’année 2015 mais leur part recule de 1% par rapport à 2014 pour s’établir à 56% du marché. Les deux grands gagnants des dix premiers mois de l’année sont BMW et Mercedes, le premier progresse de 19,2% et le second de 13,5%.

103

Les sites de e-commerce américains ont attiré 103 millions de clients pour Thangsgiving, il s’agit d’un record. C’est la première fois que les américains sont plus nombreux à effectuer leurs achats sur le net plutôt que dans les grands magasins. Selon ChannelAdvisor, Amazon affiche des taux de progression records, les boutiques qu’il héberge ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 20 à 30% par rapport au week end de Thangsgiving 2014.

50

Fossil Free, un regroupement d’acteurs qui militent pour le désinvestissement des énergies fossiles, estime à 50 milliards de dollars les retraits d’institutions et d’investisseurs de ces énergies. Néanmoins, certaines institutions préfèrent rester actionnaires d’entreprises polluantes afin d’agir en interne sur leur politique à l’égard des énergies fossiles en les rendant plus vertueuses sur le plan environnementale.

13,4

Gros gadin de 13,4 milliards d’euros pour l’Agence des participations de l’Etat (APE) depuis le 30 avril 2015. 7 des 13 participations de l’État dans des sociétés cotées sont en baisse dans une ambiance où l’indice CAC 40 est lui même en repli de 1,9%. La valeur du portefeuille de l’État fait donc un plongeon de 16,4% entre le 1er mai et le 1er décembre 2015. Il faut préciser que la valorisation d’EDF a chutée de 38% sur la période, sans celle-ci les valorisations des sociétés dont l’APE détient des parts seraient stables.

50

Deux sondages créditent François Hollande d’un sursaut de cote de popularité record. Selon l’Ifop pour Fiducial, Paris Match et Sud Radio, la cote du Chef de l’État bondirait de 50% pour atteindre 50% d’opinions favorables depuis les attentats du 13 novembre. Chez Le Figaro et TNS Sofres-Onepoint, la remontée est également spectaculaire même si elle se limite à 22% pour 35% de bonnes opinions. La gestion de l’après-attentats et les mesures mises en oeuvre sont donc saluées par une opinion publique qui fait néanmoins le distinguo avec ses choix électoraux. En tout cas pour le moment.

TNT : l’ardent lobbying des chaînes d’info

L’information sur la TNT gratuite est au coeur de vastes opérations de lobbying où tous les coups sont permis, si TF1, Nextradio et le groupe Canal sont aux avant-postes, les patrons du service public ne sont pas les derniers à se mobiliser.

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) devrait rendre sa décision quant au passage sur la TNT gratuite de LCI et de Paris Première d’ici la mi décembre a annoncé au Figaro son Président, Olivier Schrameck. Très remonté, Alain Weill dénonce une menace qui pèserait sur BFM TV dans le cas où LCI passerait en gratuit à cette occasion. Or, la chaîne info de TF1 n’a jamais été aussi proche d’obtenir satisfaction de la part du CSA.

Le patron de Nextradio (groupe qui contrôle BFM TV) dégaine la menace à l’emploi et annonce par voie de presse qu’il serait prêt à supprimer une centaine de postes en cas d’arrivée sur la TNT gratuite de LCI. Il estime en effet que les ponctions publicitaires générées par LCI ainsi que son audience potentielle en gratuit mettraient en question le modèle économique de la « première chaîne info de France ». Il sous-entend également être la cible d’une cabale politique, le pouvoir en place chercherait à l’affaiblir car son traitement de l’information ne conviendrait pas en haut lieu. Il cite en exemple, le récent passage de la ministre du Travail au micro de Jean-Jacques Bourdin qui s’est révélé désastreux.

De son côté, LCI ne manque pas d’arguments. Il s’agit de la chaîne info la plus ancienne, TF1 a d’ores et déjà renoncé aux synergies de groupe en matière de publicité et de promotion, au moins pour un certain temps et le Conseil de la concurrence est moins critique sur ce passage dans la TNT gratuite qu’en 2014. il faut dire que le contexte concurrentiel a été quelque peu modifié, et cette fois c’est Alain Weill lui-même qui est à la manoeuvre.

En annonçant, au début de l’été, le rapprochement de Nextradio et d’Alice, la filiale média du milliardaire Patrick Drahi, le dirigeant de BFM TV s’est mis dans une situation délicate puisque cette alliance modifie considérablement le périmètre de son groupe. Difficile pour lui de prétendre aujourd’hui n’être qu’un petit groupe indépendant menacé face aux géants de l’audiovisuel… En outre, ses attaques à répétition contre le CSA le font apparaitre comme bien ingrat à l’égard de l’Autorité de régulation qui lui a permis en quelques années de construire un groupe puissant en obtenant gratuitement des dizaines de fréquences hertziennes en télévision et en radio.

Du côté du service public, la mobilisation est également totale pour promouvoir la création d’une nouvelle chaîne d’information. Si la présidente de France Télévision, Delphine Ernotte, s’est toujours défendue publiquement de revendiquer une fréquence TNT pour ce projet, son confrère de Radio France, avec qui elle s’est associée, a bien fait part devant les sénateurs de son souhait d’obtenir une fréquence hertzienne. Ainsi France Télévision et Radio France se sont partagées les tâches pour un lobbying auprès de leur tutelle par voie de presse et d’auditions au Parlement. Une étrange situation et une méthode qui laisse perplexe lorsque l’on sait que de l’aveu même de Madame Ernotte cette chaîne d’information publique n’est pas financée…

Dans le viseur des deux dirigeants du service public de l’audiovisuel on retrouve la chaîne Numéro 23 sous le coup d’une abrogation d’autorisation d’émettre qu’ils se verraient bien obtenir par préemption du gouvernement. Néanmoins, le dirigeant de Numéro 23, Pascal Houzelot, se bat pour éviter un tel sort et il pourrait leur réserver encore bien des surprises. Madame Ernotte et Monsieur Gallet devraient alors se résoudre à changer de destination l’une des nombreuses chaînes de France Télévision, on évoque déjà France 4.

D’ici le 15 décembre, le CSA pourrait déjà donner l’occasion à Alain Weill de montrer s’il ira au bout de ses menaces.