L’actu

Mois : février 2016

Quand le carcan réglementaire tue l’audiovisuel

Cette tribune a été publiée le jeudi 25 février sur le site du quotidien Les Échos.

L’audiovisuel français évolue dans un cadre règlementaire strict et contraignant qui pourrait le mettre en danger face aux acteurs du numérique qui disposent d’un environnement totalement dérégulé. N’est-il pas grand temps de remettre le système à plat ?

La loi « liberté de création, architecture, patrimoine », initiée par l’ancienne ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin et en navette au parlement a donné lieu à une initiative rocambolesque et totalement déconnectée de la réalité économique ainsi que des enjeux auxquels ont à faire face nos entreprises éditrices de médias. Elle s’est, dans le même temps, désintéressée des allègements indispensables aux obligations qui pèsent sur les éditeurs audiovisuels.

Une déconnection totale de la réalité du marché

Le projet de loi, pourtant préparé pendant de longs mois par Fleur Pellerin et ses équipes, ne prévoyait aucune disposition sur le média radio avant son arrivée en commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale. Contre toute attente, les députés ont adopté en commission, malgré les réserves de son président, un amendement visant à alourdir les obligations des radios en matière de quotas de chansons francophones. Les radios françaises, pourtant les principales intéressées, n’ont pas été auditionnées par les parlementaires et ont du faire face ensuite à l’obstination de la ministre décidée à leur imposer des règles de programmation musicale toujours plus lourdes.

Il est tout à fait concevable qu’au nom de la diversité musicale et du soutien à la création française les radios soient mises à contribution pour mettre en avant les artistes francophones. Néanmoins, ne faut-il pas prendre en compte la forte baisse de la production francophone de ces dernières années ? En outre, est-il possible de nier que le contexte économique, technologique et concurrentiel de 2016 n’est plus celui du début des années 1990 et que les modes de consommation ont considérablement évolué ?

Jusqu’à présent, le gouvernement, dans cette affaire, a fait le choix d’ignorer la réalité, de ne pas entendre les réserves du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en charge de la régulation du secteur et n’a même pas pris le temps de recevoir les acteurs de la filière radiophonique. C’est une grave erreur.

En effet, l’avenir de l’industrie du disque repose sur l’explosion du streaming. Pascal Nègre l’a reconnu dans de multiples interviews avant de quitter la présidence d’Universal. Ces activités internet constituent également de redoutables concurrents des radios, notamment auprès du public jeune. Or, les géants du net ne sont soumis à aucune régulation et il n’est certainement pas question pour eux d’appliquer une règle de quotas qui date de 1994…

La télévision bloquée par des règles des années 90

Du côté de la télévision, la situation n’est pas plus brillante. Il suffit de regarder vos écrans des chaines de la TNT un samedi soir pour se rendre à l’évidence : aucun film de cinéma ne peut être regardé. En effet, une règle, qui fête son quart de siècle, interdit à la quasi-totalité des chaines gratuites de diffuser des films de cinéma le samedi, le mercredi et le vendredi soir ainsi que le dimanche avant 20H30… Il suffit de se remémorer la situation concurrentielle de 1990 pour comprendre à quel point cette règlementation est inadaptée à la situation d’aujourd’hui. Là encore, ce sont les nouveaux modes de consommation et les nouveaux concurrents des chaines de télévision qui sont considérés comme inexistants par une loi obsolète.

Que dire des règles qui régissent les liens entre les producteurs et les éditeurs ? Les chaines payent pour des programmes dont elles ne seront jamais les propriétaires et qu’elles ne pourront donc jamais vraiment rentabiliser. Elles ont également l’obligation de faire appel à des producteurs indépendants pour 75% des programmes qu’elles diffusent sur leur antenne. Un gaspillage de moyens aux multiples effets pervers : il affaiblit économiquement les chaines, freine les producteurs indépendants dans leur développement et a entrainé une paupérisation de la profession pointée par un récent rapport du CSA.

Le temps de la refonte est venu

Il ne s’agit que de trois exemples concrets d’un carcan réglementaire qui n’est plus tenable ni pour les radios, ni pour les chaines de télévisions françaises. Celles-ci doivent se battre dans un contexte concurrentiel de plus en plus difficile et face à des acteurs du net qui ne subissent aucune contrainte, sinon celle de rester en capacité de séduire massivement le public. En outre, ce corset  législatif affaiblit nos entreprises audiovisuelles face à leurs concurrentes européennes qui bénéficient de législations plus souples et en prise avec leurs réalités de marché.

La nouvelle ministre de la culture et de la communication devrait s’intéresser sérieusement au secteur de l’audiovisuel et engager la refonte de sa législation avec volontarisme et pragmatisme. Dans le cas contraire, il faudra que les dirigeants de chaines s’organisent pour peser efficacement dans les programmes en préparation dans les différents staffs des candidats, déjà nombreux, à l’élection présidentielle de l’an prochain.

Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques

 

Ne vous résignez pas !

Le livre que publie Bruno Le Maire simultanément avec l’officialisation de sa candidature à la primaire de la droite et du centre sonne comme un appel à la rebellion des électeurs « Ne vous résignez pas ! » lance-t-il à la cantonade comme pour inciter les lecteurs à suivre son exemple.

Ce livre rejoint la longue liste de ceux de François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé et précède ceux de Nadine Morano, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Hervé Mariton. Les candidats à l’investiture de la droite pour la présidentielle de 2017 cèdent tous à la tentation de l’écrit pour ouvrir les portes des médias ou lancer une tournée des provinces. La différence de Bruno Le Maire est qu’avec déjà sept livres, il a su s’imposer comme auteur à succès.

Le candidat à la candidature est fort de sa jeunesse et de ses différences. Il a démissionné de la fonction publique, certes très récemment, mais il en profite pour marteler que les autres devraient en faire autant. Il souhaite incarner le renouveau qu’il veut imposer dans son camps. Il invite les français à tourner une page de la Vème République.

Bruno Le Maire en est parfaitement conscient, s’il gagne la primaire des 20 et 27 novembre, il mettra de fait à la retraite ses trois principaux concurrents Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy. Il sait que depuis le mardi 23 février, date officielle de son entrée en campagne, il est devenu une cible vivante. Désormais tous les coups seront permis. Il ne reste qu’à attendre les premières salves qui ne devraient pas tarder.

D’ailleurs, force est de constater que le quadragénaire a déjà remporté une première victoire : il s’impose dans le quatuor des favoris de la primaire. Ce n’était pas gagné si l’on observe les piètres résultats que promettent les sondages aux autres petits candidats. Pour l’heure, il est le seul à être donné perdant au 1er tour face à François Hollande dans les derniers sondages, mais d’un petit point et le sondage Ifop pour Fiducial-Paris Match-Sud Radio publié le 23 février, le crédite de 17% au 1er tour s’il représentait la droite à la présidentielle de 2017, contre 18 pour François Fillon s’il se présentait seul, et 21% pour Nicolas Sarkozy. Le principal enseignement de ce sondage n’est-il pas que l’ancien président, son ancien premier ministre et son ancien ministre sont dans un mouchoir de poche, quand Alain Juppé les distance largement avec 30% d’intentions de vote s’il était le représentant de la droite à la primaire ?

Alors, Bruno Le Maire a vraisemblablement raison de ne pas écouter les Cassandre. Les entend-il seulement ? Il fonce. Il commence dans son livre à tirer un bilan désastreux des trente dernières années de gouvernements successifs, dont ceux auxquels il a appartenu. Il accuse, s’accuse (un peu), regrette que les décision « essentielles » aient été diluées dans les « décisions accessoires », bref que les réformes n’aient pas été entreprises afin d’endormir le bon peuple rassuré par tant de mensonges et de lâchetés successives.

Il devrait commencer à égrener ses propositions concrètes dans les prochains jours avant de les réunir dans un nouvel ouvrage-programme annoncé pour le mois de septembre. D’ici là, il va poursuivre sa campagne, sur les routes de France, sur le terrain. Ses propositions seront sans doute aussi radicales que les premières qu’il a dévoilées comme le fait de confier la gestion des chômeurs au secteur privé, la suppression de 1 million de postes de fonctionnaires sur 10 ans, le plafonnement des allocations les plus élevées, l’extinction du statut de la fonction publique territoriale au profit de statuts privés ou la retraite à 65 ans…

S’il est attendu sur ces propositions de réformes il ne faudrait pas que son souhait de faire table-rase se traduise par des promesses impossibles à traduire en réalité. Le risque est réel.

La méthode Bertrand  

Xavier Bertrand est comme libéré depuis ce funeste 1er tour des élections régionales de décembre 2015 qui a failli lui coûter son ascension vers la présidence de la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Depuis son « Taisez-vous ! » lancé dans l’entre-deux-tours aux responsables de son parti Les Républicains et singulièrement à Nicolas Sarkozy, il a décidé de fonctionner en marge de la petite politique parisienne.

Dès sa prise de fonction à la tête de la nouvelle grande région, Xavier Bertrand avait mis en place le service « Proche Emploi » qui se met à la disposition des personnes en recherche d’emploi pour leur proposer différents services dont la mise en place de formations adaptées aux offres d’emplois locales et le mise en relation avec des employeurs qui embauchent. Un service qui vient pallier les nombreuses lenteurs et lacunes de « Pôle Emploi ». Mi-février, il réunissait ses vice-présidents, sur le terrain, à Calais, afin que chacun prenne conscience de la situation et puisse imaginer des solutions à proposer dans son domaine d’intervention. Le moins que l’on puisse dire que le nouveau président fait « pulser » la région Nord-Pas-De-Calais-Picardie.

C’est tout à fait par hasard que j’ai rencontré Xavier Bertrand, le vendredi 19 février, à Calais, ville dans laquelle il venait de passer la semaine allant de rencontres en réunions avec les forces vives de ce territoire blessé par les crises industrielles, économiques, sociales et migratoires.

Détendu, le président de région s’est livré, aux cours de cette semaine de travail sur le terrain, à un véritable audit de la situation et des forces en présence avec le souci affirmé de comprendre et d’appréhender les aides susceptibles de venir concrètement au secours des entreprises et de la population.

Inquiet, il constatait que les entrepreneurs revendiquaient des aides qui relèvent de l’Etat comme le moratoire sur les charges mais qu’ils apparaissaient moins créatifs pour l’éclairer sur les moyens que la région pourraient mobiliser pour les accompagner avant d’obtenir gain de cause sur leurs demandes auprès du gouvernement.

Insatisfait d’en être réduit au rôle de porte-parole des entrepreneurs auprès du gouvernement, Xavier Bertrand a donc essayé pendant cette semaine et sans doute au cours des jours suivants d’imaginer des chemins pour aider l’économie du Calaisis littéralement asséchée par une image désastreuse.

Soucieux également des tentatives de récupérations politiques, des tensions entre les acteurs locaux, il a enchaîné les rendez-vous pour renouer le dialogue entre les uns et les autres, à la recherche de solutions, y consacrant plusieurs heures à chaque fois.

Cette méthode inédite pour un responsable politique de ce niveau est sans doute l’approche dont a tant besoin cette terre du Nord de la France, réduite depuis des mois à l’image véhiculée par les médias nationaux d’un vaste bidonville au sein duquel la criminalité règnerait en maître. Elle inaugure sans doute un nouveau comportement politique absolument indispensable face au désarroi des français et des entrepreneurs après des décennies de décisions saccadées qui ont fini par décourager un large pan des forces vives de notre pays.

En échangeant avec Xavier Bertrand, je ne pouvais m’empêcher de penser à l’énergie, au temps et à l’argent que les acteurs locaux auraient pu économiser en facilitant un peu la tâche à leur président de région et en organisant mieux leurs demandes.

Au final, je me rassurais en me disant qu’une démarche institutionnelle construite et bien pensée permettait décidément de gagner considérablement en efficacité.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.

Digital Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon est de retour ! Le bateleur vient d’annoncer sa candidature pour la présidentielle de 2017 hors de toute primaire à gauche, hors du système… Toujours chouchou des médias qu’il adore détester, le voici lancé dans une course à l’Elysée qui passera par le numérique avec pour modèle le candidat aux primaires démocrates américaines Bernie Sanders. 

Ils ne le revendiquent pas forcément mais souvent les hommes politiques français s’inspirent des Etats-Unis dans leurs campagnes électorales. Il est de tradition d’évaluer entre deux ou cinq ans notre décalage avec les modes de consommation venus d’outre Atlantique. Xavier Bertrand s’est par exemple plus qu’inspiré de la troisième saison de la série Netflix « House of Cards » pour son slogan « Au travail ». Le président Underwood, incarné à l’écran par Kevin Spacey, avait défendu quelques mois auparavant son plan de reconquête « L’Amérique au travail ».

Si le concurrent d’Hillary Clinton a choisi « A futur to believe in », Jean-Luc Mélenchon un poil plus radical lance sur internet « La France insoumise » et revendique de s’adresser à ces citoyens « insoumis sociaux et lanceurs d’alerte » qu’il souhaite réunir pour gagner. Une ambition qui ne semble pas encore créer de véritable raz de marée mais il annonce déjà 60.000 personnes recrutés en quelques jours sur les réseaux sociaux.

Son site jlm2017.fr s’appuie sur la plateforme collaborative utilisée en ce moment même par Bernie Sanders et le candidat issu du Front de Gauche espère bien que sa démarche permette de réunir les déçus des gauches françaises. Mais le fameux Nation Builder, c’est le nom du redoutable logiciel, a également été utilisé par Barack Obama pour conquérir la Maison Blanche.

Nation Builder est un outil très complet qui permet au candidat de gérer de façon centralisée toutes les données des différents sites et réseaux sociaux ainsi que les mises à jour et les outils statistiques indispensables à la gestion de sa campagne. Ce n’est sans doute pas un hasard si Alain Juppé a également investit dans ce logiciel et a même recruté une experte en la matière pour le piloter. Eve Zuckerman n’est certes âgée que de 25 ans mais elle a déjà fait partie de la campagne de Barack Obama et a travaillé à la ré-élection du maire de Chicago.

Jean-Luc Mélenchon adopte donc une démarche originale et une stratégie numérique ultra professionnelle. Les échecs successifs du Front de Gauche aux récentes élections, ainsi que la déchéance de nationalité ont achevé de le convaincre qu’il existait bien une place à prendre pour un iconoclaste de la gauche en vue de la présidentielle de 2017. Il n’oublie pas, également, que son excellente communication en 2012 lui avait permis d’animer la campagne présidentielle. Pour 2017, il mise sur la stratégie numérique pour se faire une place, il est fort possible qu’il surprenne plus d’un sceptique.

En tout cas cette incursion des méthodes américaines dans notre débat politique pourrait inspirer également des entreprises et fédérations professionnelles désireuses de peser sur les programmes en préparation. Les réseaux sociaux et le numérique sont désormais incontournables même si les médias traditionnels sont indispensables pour porter des idées. Une révolution est en marche…

Présidentielle : le comparateur de programmes 

La Fondation Ifrap et le magazine Le Point se sont associés pour lancer sur internet un comparateur des programmes des candidats à la primaire de la droite et du centre. Un outil intéressant et utile.

Le comparateur, mis en ligne par les deux partenaires, s’intéresse pour le moment aux principaux candidats de la primaire de la droite et du centre. Curieusement s’il inclut Nathalie Kosciusko-Morizet et Nicolas Sarkozy alors qu’ils n’ont pas déclaré leur candidature, le comparateur ignore Frédéric Lefebvre et Jean-Frédéric Poisson pourtant crédités d’autant d’intentions de votes qu’Hervé Mariton.

La lecture comparative des programmes des candidats à la primaire reste néanmoins instructive et elle permet de révéler les nombreuses convergences entre les candidats. Même si on note que Nicolas Sarkozy semble être resté dans les solutions proposées en 2012 sans prendre en considération les différentes évolutions intervenues en cinq ans. Néanmoins, l’ancien président n’a pas encore dévoilé l’ensemble de son programme, et pour cause, il n’est pas encore officiellement candidat…

Les baisses de dépenses revendiquées par les candidats ne sont pas encore renseignées et on attend avec impatience les détails de leurs programmes respectifs pour les évaluer avec plus de précisions. Néanmoins, on sent déjà une forme de radicalité dans la démarche réformiste chez certains d’entre eux dont on peut craindre qu’elle ne résistera pas à la confrontation avec la réalité de la gouvernance.

L’originalité de l’outil est qu’il peut être alimenté directement par les candidats à la primaire. Ainsi, il sera vraisemblablement enrichi au fur et à mesure de l’avancée de la campagne électorale et devrait constituer à terme une ressource documentaire intéressante tant pour le citoyen qui souhaite prendre part aux élections internes des 20 et 27 novembre qu’aux entrepreneurs soucieux de peser sur les programmes en cours de mise en place.

Le comparateur Ifrap-Le Point est consultable aux adresses www.lepoint.fr et www.ifrap.org