L’actu

Mois : avril 2015

Lobbying et entreprise, le malentendu

Le lobbying est presque devenu un « gros mot » y compris pour celles qui en ont le plus besoin, les entreprises. Or, le lobbying est un outil comme un autre à disposition du chef d’entreprise pour faire entendre ses positions et créer de la valeur.

Peu d’entreprises intègrent dans leur stratégie les relations institutionnelles qui sont pourtant essentielles dans l’approche des marchés. Encore appelées affaires publiques ou lobbying, elles sont trop souvent assimilées à une forme de trafic d’influence ou de manipulation des élus. Certes, des mauvais comportements ont été dénoncés au fil des ans, mais ils ne doivent pas remettre en question l’utilité et l’intérêt de la démarche institutionnelle pour l’entreprise. Il ne s’agit, ni plus moins, que d’expliquer les objectifs de celle-ci, ses besoins en ce qui concerne les règlements en vigueur voire simplement de se faire connaitre.

La défiance à l’égard du monde politique ne plaide pas en faveur de l’initiation d’une démarche « affaires publiques » au sein des entreprises. Les chefs d’entreprise sont assez éloignés de la sphère publique qu’ils voient souvent comme un « mal » nécessaire mais certainement pas comme un partenaire possible. Ils ont donc du mal à percevoir l’intérêt d’entrer en contact avec les décideurs politiques, même quand leurs intérêts sont en jeu !

De leur côté, les élus ont été échaudés par des comportements parfois arrogants et agressifs de certaines entreprises dans leur approche. Il existe encore trop d’opérations de lobbying conçues comme de véritables assauts de l’Assemblée Nationale et du Sénat avec des mailings en série, des volées d’amendements pré-écrits, quand ces opérations ne se cachent pas derrière de pseudos colloques ou clubs parlementaires dont l’unique objectif est de « monnayer » du contact.

C’est ainsi, qu’au fil du temps, une forme de malentendu s’est installé entre les élus et les entreprises. Les bonnes pratiques commencent à s’installer des deux côtés, mais cela prend du temps.

Pourtant, les parlementaires et les élus en général sont demandeurs de contacts directs avec les acteurs économiques, créateurs de richesses et d’emplois, à condition que ces échanges se déroulent en transparence. En effet, les élus ont besoin de comprendre à la fois le fonctionnement de l’entreprise et ses enjeux. Être absent de ce débat peut se révéler très coûteux pour le chef d’entreprise.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Radio France : les radios privées rançonnées

Le PDG de Radio France a officiellement présenté à la Ministre de la culture et de la communication son plan stratégique vendredi 3 avril, lors d’un rendez-vous qui a duré un peu plus d’1 heure 30, ce qui semble bien peu au regard de l’importance de l’entreprise mais il est vrai que la ministre en connaissait le contenu depuis plusieurs semaines.

Fleur Pellerin a fait connaître son accord sur ce plan, dans la foulée, en demandant que « le dialogue social soit renoué » et en insistant sur deux points : une dotation en capital supplémentaire pour assumer les dépassements de budget du chantier de rénovation de la Maison Ronde et un assouplissement des règles de diffusion de la publicité sur les antennes de Radio France.

Mercredi dernier la Cour des comptes publiait un rapport sans concession sur la gestion du service public de la radio. Intitulé « Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme » ce rapport, fruit d’un long travail d’audit, pointe les négligences de l’État et des présidents successifs de Radio France, responsables de la situation actuelle.

La ministre n’a visiblement pas eu le temps de lire ce rapport puisqu’elle procède, comme l’État l’a toujours fait dans ce dossier, par effets d’annonce, sans concertation, ni étude d’impact. C’est le cas pour la rallonge budgétaire annoncée mais non chiffrée, et surtout pour l’élargissement des annonceurs ayant droit d’être présents sur les antennes de Radio France.

Outre le fait que le service public ne respecte déjà pas les règles actuelles et ponctionne sans retenue, ni contrôle, le marché publicitaire, la ministre ne semble pas concernée par la situation de celui-ci. Or, les radios commerciales privées doivent affronter une crise publicitaire sans précédent. La baisse de leur chiffre d’affaires, qui a fondu de près de 20% depuis 2006, est structurelle. Elles sont notamment victimes d’un transfert de revenus vers les acteurs du numérique qui captent une part toujours plus importante des ressources publicitaires.

Les chiffres publiés par l’IREP sont clairs. La radio a vu son chiffre d’affaires perdre 1,6% en 2014, contre une progression de près de 5% pour le net et 35% pour les mobiles ! Le chiffre d’affaires de l’ensemble des radios a été en 2014 de 568 millions d’euros (quand le dérapage du chantier de Radio France atteint 584 millions), en 2006, il s’élevait à 661 millions. Ce sont près de 100 millions qui sont perdus pour le média.

Dans ce contexte, la décision de Fleur Pellerin est déconcertante. La ministre envisage de faire porter une partie de la charge de la crise financière de Radio France par un secteur privé lui-même plongé dans une crise sans précédent.

Les bons mots politiques et business de la semaine

Semaine politique et économique, bilan des Départementales, demandes du MEDEF, primaires à l’UMP et rififi au PS.

Pierre Gattaz, dans Le Talk – Le Figaro, le mardi 31 mars

« Alors que les Français attendent de l’emploi, du pouvoir d’achat et un sens, il faut absolument jouer la carte de l’entreprise, car l’entreprise amène une solution à ces trois problèmes-là »

« Monsieur l’État, gardez votre argent, gardez vos subventions, mais baissez le coût du travail, baissez les charges »

François Hollande, aux perdants des Départementales, cité par Le Canard Enchaîné du 1er avril

« Je mesure l’étendue des dégâts. Je suis triste pour vous. Mais nous devons faire de cette défaite un tremplin. Avec un FN qui grimpe et un Sarko qui pointe son nez, qui osera jouer la division ? » « Les frondeurs, la plupart d’entre eux, Duflot, Mélenchon, quelques autres, c’est le club du 21 avril »

Manuel Valls, sur RMC et BFMTV le mardi 31 mars

« La hausse cumulée des impôts depuis des années, et la droite y a pris une part très importante, a créé un effet de ras-le-bol qui a étouffé l’économie française pour les entreprises, et qui a mis très en colère les Français »

Alain Juppé, au sujet des primaires de l’UMP, interviewé par La Tribune du 2 avril

« S’il s’agit d’une primaire ouverte à tous les sympathisants de la droite et du centre, j’aurai ma chance. En revanche, si le scrutin est bidouillé pour rééditer le scénario de l’élection du président de l’UMP, cette élection ne sera pas de nature à créer une véritable dynamique. Si la deuxième option prévaut, je me présenterai donc, je l’ai déjà annoncé, au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 »

Emmanuel Macron, cité par le Figaro-Économie du 31 mars

Le Ministre annonce une Loi Macron II afin de « continuer à la fois le déverrouillage de l’économie française et d’accélérer la reprise qui est en cours »

Stéphane Le Foll, Le Figaro du 2 avril

« Il n’y a pas aujourd’hui, le premier ministre l’a dit devant le groupe socialiste, de décision d’une nouvelle loi (Ndlr : Macron) et, si elle devait arriver, c’est le premier ministre qui l’annoncera »

Bruno Le Maire, au sujet des Départementales, cité par Le Canard Enchaîné du 1er avril

« C’est ça, le danger. Désormais, Sarko va systématiquement jouer du risque de la division à droite mais ça ne doit pas nous arrêter. Il prend la main, mais ça ne change rien, on est en mars 2015, et les Français voudront autre chose en 2017 »

Laurent Ruquier, au sujet de ses « regrets » d’avoir « banalisé » les idées d’Éric Zemmour en l’exposant dans son émission On N’est Pas Couché sur France 2, interviewé par L’Obs daté du 2 avril

« Je répondais à François de Closets qui prétendait que les opinions de Zemmour n’étaient pas présentes dans les médias. Au contraire, je suis bien placé pour savoir que Zemmour est très présent dans les médias. Cela ne me gêne pas, même si je ne partage pas ses idées »

Jean-Louis Debré, au sujet de ses collègues du Conseil constitutionnel, interviewé par L’Obs du 2 avril

« Si vous saviez, ils sont parfois d’un ch… » « Mais je les adore, bien sûr, tous, sans exception. Nous formons une vraie communauté de neuf, nous vivons tous les jours ensemble… »

Martine Aubry, cité par Le Figaro du 2 avril

« Il est insupportable qu’on dise, comme le premier ministre le soir du premier tour, que c’est une victoire car le FN n’est pas la première formation politique de France » « C’est une aberration de dire qu’il qu’il n’y a pas de demande de gauche ou de dire que c’est la faute des frondeurs »

Pascal Houzelot, l’homme de la semaine

Il s’appelle Pascal Houzelot, il est le patron-fondateur de Numéro 23, jeune chaîne de l’audiovisuel créée il y a à peine deux ans et déjà revendue contre une belle somme. Un exploit.

Vous ne connaissez peut-être pas cette chaîne Numéro 23, ce qui ne serait pas surprenant, puisqu’elle ne réalise qu’un score de 0,7% d’audience. Officiellement lancée il y a à peine deux ans par Pascal Houzelot  et quelques associés, elle devait être la chaîne de la diversité sous toutes ses formes. En réalité, elle diffuse des séries et des documentaires, essentiellement américains et peu coûteux.

Numéro 23 présentait dès sa naissance d’incontestables atouts. D’abord, l’entregent de son fondateur qui avait su convaincre le CSA de lui attribuer cette fréquence, gratuite, avec le soutien il est vrai, de quelques personnalités. Par exemple, David Kessler, ancien conseiller audiovisuel de Lionel Jospin et pendant quelques mois celui du Président de la république, François Hollande. Un poste occupé après l’attribution de la fréquence en or à Monsieur Houzelot. La fréquence que lui a attribuée le CSA bénéficie d’un cahier des charges particulièrement favorable puisqu’il en fait une chaîne de télévision généraliste, c’est à dire très libre en ce qui concerne les contenus.

Pascal Houzelot, déjà fondateur il y a quelques années de Pink TV, une chaîne pornographique du câble et du satellite, réussit en deux ans un exploit : revendre 90 millions d’euros une chaîne qui existe à peine mais qui détient un droit d’émettre qui ressemble, en l’espèce, à un ticket du Loto. NextRadioTV, le groupe d’Alain Weill, réussit, comme souvent, un joli coup puisqu’il renforce son offre dans un marché télévisuel en pleine mutation.

Le petit monde de l’audiovisuel est en ébullition après l’annonce de cette transaction, à la veille du week end de Pâques. Nombreux sont ceux à s’étonner de la cession si rapide de cette fréquence « donnée gratuitement » par le CSA.