L’actu

Municipales : l’ancrage (déjà) raté de la majorité dans les territoires

(Mise à jour 20/02/2020) Entre Emmanuel Macron et les collectivités locales, la relation est houleuse depuis le début du quinquennat. La majorité présidentielle attendait avec une certaine hâte les élections municipales des 15 et 22 mars prochains. Las, elles pourraient se transformer en bérézina.

Les élections municipales semblent agir comme une loupe sur les fragilités de la majorité présidentielle et d’En Marche. On ne compte plus les situations conflictuelles, les candidats dissidents, les tensions entre les instances nationales du mouvement et ses représentants locaux… Surtout, on peine à identifier les grandes villes où la majorité est encore en situation de l’emporter. Pire, le président de la République est contraint de s’en mêler et de s’exposer.

Bien évidemment, le cas le plus symptomatique de cette déroute prévisible est Paris. Le combat d’égos entre Benjamin Griveaux et Cédric Villani a servi de tapis rouge à Anne Hidalgo qui était pourtant donnée perdante il y a quelques mois à peine. L’abandon de Benjamin Griveaux dans des conditions détestables est la catharsis de longs mois de dérive. Au début du mois de février, malgré ses annonces publiques, Emmanuel Macron tentait de gérer personnellement le retrait de Cédric Villani au cours d’un week-end qui restera comme une incongruité dans les annales de la politique. Convoqué à l’Élysée, le candidat envoyait un vent puissant au Chef de l’État dès sa sortie du rendez-vous…

Que dire de Biarritz où deux ministres envisageaient de s’affronter et où l’alliance EM/MODEM au plan national était chahutée ? L’aile gauche de la macronnie se présentait contre l’aile droite. Une situation qui laissera des traces.  En effet, depuis plusieurs mois, la majorité est traversée de tensions à l’Assemblée Nationale qui s’expriment dans des situations locales parfois cocasses. Les deux candidats ont finalement été « débranchés » par le Chef de l’État qui a personnellement négocié avec Didier Guillaume les conditions de son retrait.

À Bordeaux, le choix de la majorité de présenter un candidat contre le maire sortant, pourtant héritier d’Alain Juppé, pourrait coûter très cher. Non seulement, la campagne du proche sur lequel Emmanuel Macron a misé ne décolle pas mais il pourrait apporter l’estocade à Nicolas Florian dont la réélection est fortement challengée par une gauche qui se présente unie. Un sondage rassurant, publié le 20 février, laisse présager pour le maire sortant une issue plus favorable. Toutefois, le mouvement présidentiel crédité d’à peine 11% au premier tour ne serait en mesure que d’être un appoint de second tour… Peu glorieux.

Plus généralement, des candidatures, parfois assez saugrenues, se multiplient sur tout le territoire. La surprise de l’élection présidentielle, confirmée par les législatives puis la bonne tenue de la majorité lors des élections européennes de mai dernier, malgré une campagne calamiteuse, ont incité des candidats à se déclarer. Hélas, bon nombre d’entre eux n’ont aucun ancrage local, ni compétence politique. Or, pour une élection municipale, l’étiquette nationale est moins décisive.

Dans ce contexte, on observe une multitude de candidats de la majorité soit officiels, soit dissidents qui ne dépassent pas les 15% des intentions de vote, il est fréquent qu’ils restent encalminés en dessous de 10%… 

Difficile de transformer des militants en candidats… Quasi impossible de miser sur de nombreux députés élus en 2017 dans la foulée d’une présidentielle surprenante… Dangereux d’avoir laissé naître des vocations chez des candidats incompétents pour mener une campagne municipale et inconnus localement… Incroyable d’avoir tant tardé à structurer le mouvement pour le transformer en un outil politique efficace… Risqué d’avoir confié à une Commission Nationale d’Investiture (CNI) assez déconnectée des enjeux locaux la responsabilité de choisir des candidats dans les grandes villes… 

L’échec annoncé de ces élections municipales pour le mouvement présidentiel sanctionnerait une approche superficielle et presque arrogante de ce scrutin. La légèreté avec laquelle ont été gérés certains secteurs géographiques en témoigne, y compris la situation parisienne. Elle signerait également une faiblesse structurelle de ses ressources humaines. Le vivier de candidats crédibles pour les élections locales se révèle limité. Cela pourrait avoir des conséquences pour les prochaines échéances électorales.

Consciente d’une situation politique difficile, la majorité a tenté de brouiller la lecture des résultats avec la désormais fameuse « circulaire Castaner », corrigée sous injonction du Conseil d’État…

Ces élections municipales ressemblent donc d’ores et déjà à un échec pour la majorité. Le président de la République a pris soin de s’en désolidariser en les ramenant à un enjeu « local ». Certes, cette situation n’est pas nouvelle, puisque les Présidents sont tous confrontés à des élections intermédiaires souvent difficiles. Néanmoins, dans le cas présent, c’est l’ancrage local du jeune mouvement présidentiel qui était en jeu et qui s’annonce raté. Or, les élections sénatoriales puis départementales dépendront de cet ancrage. Il est donc prévisible que les objectifs sur ces prochaines échéances se révèlent très limités.

D’où la stratégie du Chef de l’État de les enjamber pour se projeter directement sur les élections régionales de 2021, véritable laboratoire de préparation de l’élection présidentielle de 2022.

Ainsi, En Marche s’inscrit dans une démarche clairement nationale, au moins pour ce quinquennat. Car ce qui est déjà en ligne de mire, c’est l’élection présidentielle.