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Politique : la crise de confiance 

La vague 7 de l’enquête annuelle du CEVIPOF sur la confiance des Français n’est pas très rassurante et traduit une crise profonde entre les Français et la politique. 

D’abord les sentiments que ressentent les Français ne sont pas réconfortants : 31% ressentent de la lassitude, 29% de la morosité et 28% de la méfiance. Des chiffres qui sont parfaitement en concordance avec les résultats des élections régionales de décembre 2015. Pour une fois, les urnes traduisent bien le climat de déprime qui règne chez 88% des Français. Ils sont 82% a déclarer avoir une perception négative de la politique. Voilà qui détonne à un an de la présidentielle.

Cette enquête 2016 est une mine d’or pour les élus, les candidats et, plus largement pour tous ceux qui s’intéressent à la politique. Elle traduit une cassure profonde et probablement durable entre les Français et leurs élus. Or, la confiance n’est pas facile à reconquérir, elle se construit lentement, elle doit se confronter aux faits, aux réalisations et résister à la comparaison entre les promesses et les réalisations. C’est dire si la primaire de la droite et du centre, les débats internes à la gauche puis la campagne présidentielle seront des rendez-vous aux enjeux multiples que les politiques ont tout intérêt à préparer scrupuleusement.

Si les maires recueillent l’approbation de 63% des Français, ces derniers ressentent une large défiance à l’égard des élus nationaux, notamment le locataire de l’Elysée qui ne recueille que 29% de confiance.

Les initiatives comme La Transition, le renouvellement auquel pourrait aboutir la primaire de la droite et du centre, la chute dans les sondages de François Hollande et Nicolas Sarkozy s’expliquent ainsi plus facilement. Il semble y avoir d’un côté une France de la besogne, un peu en colère de ne pas être écoutée et de souffrir et de l’autre côté les décideurs politiques qui apparaissent comme « hors sol » et actuellement incapables de se remettre en question.

Présidentielle : la société civile se mobilise

Les élections régionales ont été un véritable signal d’alarme pour de nombreux élus, certains comme Xavier Bertrand ont affirmé avoir compris et être déterminés à adopter désormais une autre façon de faire de la politique. Une promesse à laquelle ne semble pas croire les promoteurs de La Transition.

« En 2017, comme 3 Français sur 4, nous ne voulons plus ni de Hollande, ni de Sarkozy, et nous ne voterons pas Le Pen. Alors on fait quoi ? », c’est ainsi que s’ouvre le site internet du Mouvement La Transition lancé par 10 membres fondateurs qui ambitionnent de présenter un candidat alternatif dès la présidentielle de 2017 avec l’engagement de ne faire qu’un seul mandat.

Les fondateurs sont issus de la société civile et souhaitent mettre fin au règne de « la bourgeoisie d’Etat et à la bureaucratie syndicale » qui bloquent la société et les réformes indispensables à la France, selon eux. Ils estiment qu’il ne faut mettre aucun espoir du côté des politiques « les partis politiques sont devenus synonyme de carrièrisme et de conservatisme ».

« Seule la société civile peut assurer l’indispensable transformation du pays » assènent-ils et ils concluent « en 2017, la France a besoin d’un Président de Transition ». Cette « Transition » est un « instant précis », celui où les français disent « ça suffit ! ».

Des personnalités issues de la gauche comme Claude Posternak ou Zohra Bitan sont à l’initiative de cette démarche qui s’affirme néanmoins apolitique et résolument tournée vers la société civile.

Plus d’informations sur le site www.la-transition.fr

Sarkozy contre-attaque

Promis, juré, l’offensive lancée cette semaine par l’ancien président de la République n’a rien à voir avec sa chute dans les sondages et les résultats mitigés des élections régionales pour son parti Les Républicains. Nicolas Sarkozy publie un livre-vérité : « La France pour la vie ».

Alors que la campagne pour la primaire des 20 et 27 novembre est désormais officiellement ouverte et, avec elle la chasse au Juppé, Nicolas Sarkozy connait un trou d’air inquiétant qui l’incite à tenter de relancer sa machine présidentielle.

Certes, il continue de parier sur l’effet de paille du « phénomène Juppé » à qui il promet le même sort que son ancienne idole Edouard Balladur lors de la présidentielle de 1995. Le Premier ministre d’alors était annoncé grand vainqueur par les sondages, un quotidien du soir avait même titré que pour l’opinion le vainqueur était déjà désigné et qu’il était donc inutile de faire campagne et Badaboum, Jacques Chirac fit un retour en force dans la dernière ligne qui lui permit de l’emporter haut la main sur son adversaire au premier tour.

Cette contre-offensive de Nicolas Sarkozy sonne toutefois étrangement car elle ne laisse percevoir rien de véritablement nouveau. Un livre, des fuites dans la presse, une mobilisation des soutiens dans les médias, quelques apparitions médiatiques négociées en amont, une tournée en province, à part le message publié sur Facebook, rien de neuf en fait. Sa présence dans l’émission Sept à Huit, dimanche 24 janvier, à l’horaire des abîmés de la vie en est presque caricaturale.

Nicolas Sarkozy peut se gausser de l’âge de Juppé, il n’apparait pas vraiment plus neuf dans le paysage politique. Cette contre-offensive menée avec toujours les mêmes recettes n’est pas rassurante quant à ses perspectives de succès. Le contenu du livre, révélé en exclusivité par Le Figaro du 22 janvier, manque cruellement d’originalité, Nicolas Sarkozy se lance dans un méa-culpa qui tente de répondre à son image dans l’opinion. Une ficelle un peu grosse.

Au delà de l’âge, les idées et la façon de gouverner pourraient créer une véritable différence lors de la prochaine présidentielle. Lors des dernières consultations, les Français n’ont cessé de dire en évoquant le FN, « ce sont les seuls qu’on n’a pas essayé ». Au lendemain du premier tour des régionales, les discours de vérité, teintés de colère contre Nicolas Sarkozy, de Valérie Pécresse, Christian Estrosi et surtout Xavier Bertrand ont sonné comme un tournant.

Nous n’en sommes qu’au début de la primaire à droite et, déjà, les protagonistes paraissent un peu fatigués, comme s’ils manquaient de ressort. Décidément, la route vers la présidentielle va être bien longue et semée d’embuches mais le meilleur moyen de tenir la distance n’est peut-être pas de répéter sans cesse les méthodes d’un autre temps, d’un autre siècle pré-numérique.

Nos chiffres clés de la semaine

2700

Le lobbying breton est toujours très efficace. Cette fois ce sont les femmes entrepreneurs de Bretagne qui le démontrent,comme le signale l’Express daté du 20 janvier. L’association Femmes de Bretagne est un réseau d’entraide composé de créatrices d’entreprises bretonnes. L’association, qui compte 2700 membres, aurait déjà permis la création de 200 entreprises. Elle annonce la sortie d’une application mobile et bénéficie du soutien de la quasi totalité des acteurs économiques, médiatiques et institutionnels de Bretagne. Très dynamique, l’association assure un maillage territorial dense avec des ateliers itinérants autour des grandes thématiques de la création d’entreprise : « choisir son statut », « page Facebook pro », « J’arrête d’être stressée » etc. En savoir plus : www.femmesdebretagne.fr

3

La douche froide. Les dirigeants de la FNAC étaient parvenus le 20 janvier à un accord avec trois organisations syndicales sur le travail dominical, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Mais, la CGT, SUD et FO ont fait savoir par voie de presse qu’elles entendaient faire jouer leur droit d’opposition sur cet accord. Pourtant, celui-ci prévoie un salaire triple 12 dimanches, puis un salaire double sur les autres dimanches travaillés, il ne concerne que des salariés volontaires à qui il assure également un soutien en matière de garde d’enfants. Cette situation ubuesque est le résultat de la loi Macron qui conditionnait les ouvertures dominicales à des accords, une disposition adoptée sous  la pression de l’aile gauche des parlementaires de la majorité. Résultat : tout est bloqué. Une fois de plus, l’attitude anti-entrepreneuriale l’a emporté instillant dans la loi les outils pour la rendre inapplicable.

23

La chaine Numéro 23 n’en fini pas de faire parler d’elle. C’est un député qui passe à l’attaque cette semaine avec sa proposition d’ouvrir une commission d’enquête sur les conditions d’attribution de la fréquence à cette chaine en 2012. Marcel Rogemont livre un rapport d’évaluation de la loi du 15 novembre 2013 dans lequel, outre la chaine Numéro 23, il s’attaque au bilan du CSA qu’il envisage clairement de remettre à sa place. Il préconise de revoir les attributions du régulateur dans la désignation des présidents de l’audiovisuel, critique la nomination du président de Radio France, le député socialiste propose également de recentrer l’action du CSA sur son rôle de « surveillance » du paysage audiovisuel. Sur ce dernier point il fait allusion aux différents dérapages observés ces dernières semaines notamment le non-respect des règles relatives à la publicité par Radio France, le non-respect de ses engagements par Numéro 23, sans que le CSA ne s’en émeuve. Marcel Rogemont, parlementaire au caractère bien trempé ne souhaite pas en rester au stade du rapport, puisqu’en plus de la commission d’enquête, il déposera une proposition de loi dans les prochaines semaines afin de mettre en place ses pistes de réforme.

72

Selon un sondage Odoxa pour FTI Consulting, Les Echos, Radio Classique, 27% des Français considèrent que l’emploi est la priorité absolue, 24% d’entre eux plaident pour la relance économique. Les sondés ne sont toutefois pas prêts à tout accepter, ainsi ils refusent à 72% un report de l’âge de la retraite. Ils sont également 56% à se déclarer opposés à un plafonnement des indemnités prud’homales, une réforme annoncée par l’exécutif. En revanche plus de 80% d’entre eux soutiendraient une réforme visant à mieux encadrer les nouvelles formes de travail liées au développement numérique et une vaste remise à plat de la fiscalité. Enfin, et c’est peut-être un tabou qui explose, ils sont 69% à accepter que les entreprises dérogent aux 35 heures en cas d’accord avec les syndicats.

350

La grippe aviaire risque d’avoir un effet dévastateur sur la filière foie gras. Le coût des mesures de prévention mises en place est déjà estimé à 350 millions d’euros pour la profession. La filière, qui pèse 2 milliards d’euros et emploie 10 000 personnes, pourrait en sortir profondément changée. Depuis le 18 janvier, les élevages de canards gras et d’oies du Sud Ouest sont mis à l’arrêt, pour 5 mois, afin d’éradiquer la grippe aviaire dont les premiers cas ont été observés il y a deux mois. Selon le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), la production nationale de foie gras devrait chuter de 30% en 2016, dans certaines zones elle pourrait atteindre 50%. Un risque de pénurie est donc désormais envisagé et les transformateurs et distributeurs pourraient être tentés d’importer massivement des foies gras en provenance des pays de l’Est, ce qui pourrait avoir des conséquences durables pour la filière.

10,7

Les dotations de l’Etat aux communes, départements et régions devraient baisser de 10,7 milliards de 2015 à 2017, dont un rabot de 3,5 milliards pour la seule année 2016. l’Association des maires de france ‘AMF) a décidé de rester mobilisée en 2016 pour convaincre l’Etat de ne pas poursuivre son plan et de relever ses dotations au moins dans la perspective de 2017. L’AMF estime que les investissements des communes et intercommunalités baisseront de 25% sur la période 2014-2017 et que la mise en place du budget 2017 devrait être très difficile pour un grand nombre de communes. Hélas, les communes n’ont pas entendues du gouvernement en 2015, elles envisagent donc de repartir encore plus fort à l’attaque en 2016, leur congrès annuel, prévu du 31 mai au 2 juin, devrait constituer un point d’orgue de leur mobilisation.

3,4

Le FMI livre une nouvelle prévision de croissance mondiale orientée à la baisse. Le PIB mondial devrait connaitre une progression de 3,4% en 2016, soit une baisse de 0,2 point par rapport à la dernière estimation du FMI qui date d’octobre 2015. La croissance mondiale s’est établie à 3,1% en 2015, 2016 devrait donc faire légèrement mieux mais on reste loin d’une franche reprise. Si la France reste fidèle à elle-même, atone, les Etats-Unis sont franchement installé dans la reprise. Pour 2016, ce sont les pays émergents qui posent problème, or, ils représente 70% de la croissance mondiale. La Chine est au coeur des préoccupations, sa croissance pour 2015 s’est établie à 6,9%, son plus faible résultat depuis 25 ans. Cette contre-performance entraine de multiples tensions dans le reste du monde par le biais du commerce, des matières premières premières ainsi que des transactions financières. Un nouveau front économique qui inquiète le FMI, comme la Banque mondiale.

5

L’observatoire de la politique budgétaire du cabinet EY confirme qu’il existe toujours une distance entre les belles déclarations gouvernementales et la réalité. En effet, selon EY, 5 nouvelles taxes ont été créées en 2016. En contrepartie, deux petites taxes ont disparues. Mais le résultat est bien une création nette. Depuis 2010, 52 taxes ont été créées et seulement 9 ont été supprimées. EY reconnait tout de même un ralentissement dans la création de taxes. Le début d’un bon point…

50

Un sondage TNS-Sofres pour l’association Dialogues, publié par Les Echos, révèle la désaffection des Français à l’égard des syndicats. 50% des salariés font confiance aux syndicats pour défendre leurs intérêts, ils étaient 58% en 2008. Pour l’ensemble des Français, les résultats tombent à 43% aujourd’hui contre 50% en 2008. Comme les autres institutions, les syndicats souffrent donc d’un véritable discrédit dû en grande partie à leur déconnexion de la réalité des Français et des vrais besoins des réalités économiques. Chiffre intéressant et peut-être à méditer : 54% des sondés jugent sévèrement un manque de « confiance entre les syndicats et la direction ».

82

La Centre de recherches politiques de Sciences Po, associé au CNRS (CEVIPOF) vient de publier son enquête annuelle sur la confiance des Français qui révèle une cassure entre les Français et la politique. 82% des Français ont une vision négative de la politique, ils sont 88% à estimer « que les responsables politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme eux ». En outre, 67% d’entre eux pensent que la démocratie ne fonctionne pas bien. Un jugement très sévère qui devrait inciter les politiques à une profonde remise en question à quelques mois du démarrage de la campagne pour les élections présidentielles de 2017.

Les cadeaux, degré zéro du lobbying ? 

Le début d’année est toujours l’occasion des voeux. Si de plus en plus d’entreprises et de fédérations professionnelles renoncent aux cartes, jugées un brin surannées, d’autres les conservent et vont plus loin en perpétuant la tradition des cadeaux. Des initiatives qui peuvent se révéler malheureuses lorsqu’elles s’adressent aux élus.

Les élus changent, une nouvelle génération est apparue ces dernières années, très attachée à son indépendance et à une forme d’éthique jusque là assez inconnue dans les salons feutrés de la République. C’est ainsi, que chaque année au moment des voeux, fleurissent sur les réseaux sociaux des tweets et statuts courroucés ou ironiques sur les cadeaux reçus de la part de tel ou tel groupe d’intérêts.

Cette semaine j’en ai relevé un particulièrement savoureux accompagné d’une photo et qui posait la question « Dites @xxxxxxx, on ne vous a jamais dit que les cadeaux aux députés, c’était le degré 0 du lobbying ? ». Une interpellation publique qui a connu un certain succès au vu du nombre de retweets opérés par les 6000 followers de cette parlementaire.

L’affaire aurait pu en rester là si le syndicat professionnel ainsi mis en cause n’avait pas jugé utile de répondre via twitter avec, en plus, un manque évident d’humour. La députée s’est donc livrée à une leçon de lobbying en règle et a conclu l’échange par un dernier tweet cinglant « retour à l’envoyeur, désolée ». Ce n’est pas tant le lobbying en lui-même qui est ici en question que certaines pratiques qui relèvent d’un passé révolu ou en voie de l’être.

Dans le premier numéro de notre collection Les Cahiers Experts intitulé « Les 10 erreurs à éviter en relations institutionnelles », nous consacrions un chapitre à la question des cadeaux. C’est un sujet délicat car ces derniers doivent être utilisés avec parcimonie et finesse. Il convient de veiller à ne pas adresser un mauvais message. La France de 2016 n’est plus celle des années 80 et nos élus ont changé de posture. Ils acceptent bien volontiers de dialoguer avec les représentants d’intérêts, et certains reconnaissent même leur utilité dans l’accès à l’information et dans l’aide à la prise de décision mais nombreux sont ceux à être sourcilleux, à juste titre, de leur indépendance et de leur intégrité.

Je considère depuis longtemps que les cadeaux sont non seulement le « degré zéro du lobbying » mais également qu’ils appartiennent aux méthodes du « lobbying à la papa ». Je mets dans le même panier les déjeuners dans les restaurants coûteux et autres fantaisies qui ne relèvent pas d’un travail de conviction.

Cet incident assez drôle rappelle également que les élus ne se laissent plus faire et, au passage, que les réseaux sociaux peuvent se révéler redoutables.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.