L’actu

Auteur/autrice : Mathieu Quétel

Et maintenant ?

Quelle semaine !  Mardi matin on imaginait que la Loi Macron serait votée avec, certes, quelques tensions à gauche mais avec une majorité puis, patatras …

En l’espace de quelques heures ce projet de loi dont on voyait bien qu’il cristallisait de nombreuses divergences tant à droite qu’à gauche s’est transformé en mélodrame politique dont la Vème République a le secret.

Une gauche brisée net dans son élan

Dans cette affaire, un groupuscule de députés a réussit à imposer le recours au 49.3 au gouvernement, à lui faire subir une motion de censure et à briser net le nouvel élan qu’il était en train de donner au quinquennat Hollande. En trois jours, nous avons assisté en direct au psychodrame d’une gauche tiraillée entre des « anciens et des modernes » dont les postures sont de moins en moins conciliables.

Reconnaissons également que cette séquence a permis de confirmer l’autorité du Premier ministre dont la volonté d’avancer et de réformer s’est clairement exprimée et, sans relâche, confirmée. Au passage, Manuel Valls aura volé la vedette à un Emmanuel Macron en pleine ascension et dont le charisme et la détermination se sont également imposés au cours des débats.

Une droite incapable de sortir d’une opposition stérile

Le comportement de la droite n’a pas été brillant. Elle n’est pas parvenue à sortir d’une opposition stérile et sans vision. Les interventions lors du débat sur sa motion de censure jeudi soir ont été calamiteuses et d’un niveau si bas que l’on a peine à y croire. Cette Loi Macron reprend pourtant des propositions portées par la droite, elle permet d’initier des réformes dont le pays a besoin et que l’UMP peut difficilement remettre en question, même si elles sont encore très timides.  Au lieu de soutenir le texte après les 1000 amendements adoptés, la droite a fait le choix de s’échouer dans une opposition sans avenir… Le vote de la motion de censure, avec les plus à gauche de la gauche et le FN, a laissé une image trouble.

Quelques parlementaires de droite se sont illustrés lors des débats, notamment Frédéric Lefebvre dont les prises de position pourraient faire date. Le groupe UMP a également montré son unité lors du vote de la motion de censure, malgré des divergences internes sur la Loi elle-même. Mais globalement, la droite ne sort pas grandit de cette semaine dont on ne peut s’empêcher de penser que la dramaturgie était dictée par la perspective des élections départementales à venir et par le risque d’une démonstration de l’existence d’un front UMPS si l’UMP avait voté la Loi Macron… Bref, du petit calcul politicien qui tient les intérêts réels de la France assez éloignés des bancs de l’Assemblée Nationale.

Une prise de conscience des politiques ?

On dit que le gouvernement serait aujourd’hui incapable de gouverner car il ne dispose plus de majorité. Pas si sûr. Les quelques « frondeurs » bruyants et peu nombreux n’ont finalement pas voté la Motion de Censure, ils ne sont pas allés au bout de leur travail de sape. Ils ont manqué de courage. Le gouvernement et les autres députés socialistes leur ont signifié clairement qu’il fallait désormais choisir son camp. Quant au 49.3 il sera à nouveau utilisable lors de la Session parlementaire de septembre… La majorité va donc pouvoir se reconstruire avec des alliés qui pourraient trouver une place au gouvernement dès le 23 mars. Nous verrons.

Du côté de la droite, une page semble se tourner, doucement mais surement. Si l’unité totale du groupe UMP s’est faite autour de cette motion de censure, sous la pression des Départementales et des Régionales à venir, cette semaine a sans doute fait prendre conscience à de nombreux députés UMP q’ils ne pouvaient plus continuer ainsi. Il est grand temps de se mettre au travail pour apparaitre en 2017 comme une alternative crédible. L’UMP doit trouver ses fondamentaux politiques et économiques, il lui reste deux ans pour les faire exister. C’est peu.

Notre pays est bloqué par des archaïsmes qu’il ne peut plus s’offrir, les entreprises doivent être mieux accompagnées et trouver leur place dans le débat démocratique. De nombreux élus, de tous bords, semblent prendre conscience que la sortie de la crise ne se fera qu’au prix de réformes volontaristes et ambitieuses.

Finalement, c’est assez nouveau, cela redonne espoir en la politique.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

 

Quelques paroles politiques (ou pas) de la semaine…

Semaine riche en grandes et petites phrases, nous en avons retenu quelques unes pour nourrir la réflexion ou pour le simple plaisir.

Frédéric Lefebvre au sujet de sa défense de la Loi Macron, cité par l’Obs

« La donne a changé, un certain nombre en ont pris la mesure. C’est l’enjeu de la modernité »

Nicolas Sarkozy au sujet de l’UMP, au micro de Cyrille Eldin pour Le Supplément de Canal +, dimanche 22 février

« On fait avec ce qu’on a »

Emmanuel Valls au sujet de la loi Macron et du recours au 49.3, en réponse à une Question d’Actualité du député PS François Brottes

« Je ne pouvais pas prendre le moindre risque sur le vote de ce texte parce que se sont conjugués immobilisme, conservatisme, irresponsabilité, infantilisme »

Nicolas Sarkozy sur Alain Juppé au sujet de la partielle du Doubs, cité par Le Lab Europe 1

« C’est une faute de débutant. Ils s’est coupé de la grande majorité des militants de l’UMP, qui ne voteront pas pour lui aux primaires »

Emmanuel Macron au sujet de l’UMP dans le Journal du Dimanche du 22 février

« L’UMP, qu’a-t-elle fait ? Une décennie perdue qui nous a laissés sans réforme, mais avec des dettes à éponger. Leur proposition, c’est de ne rien faire. Ne pas toucher aux notaires. Ne pas ouvrir les magasins le dimanche. Ne rien changer aux prud’hommes. Sans parler du néozadisme du maire de Nice, qui fait un référendum quand on organise l’ouverture du capital de l’aéroport ! Le résultat, c’est que l’UMP est au coeur de la coalition de l’immobilisme. »

François Hollande lors de la remise des insignes d’officier de la légion d’Honneur à Jean Tirole, Prix Nobel d’Économie, cité par Le Figaro

« Vous avez travaillé sur le droit des faillites qui a inspiré une partie du projet de loi croissance activité (la loi Macron) dont on a vu combien il était approuvé par le Parlement »

Nicolas Sarkozy à Guillaume Peltier qui souhaitait être rapidement investi pour les régionales en région Centre, cité par Le Point du 19 février

« Tu monteras dans mon bureau. Je te donnerai le nom, le prénom et l’adresse de tous ceux qui ne veulent pas que tu sois candidat. Et crois-moi, ça fait du monde ! »

François Mitterrand sur Edith Cresson, le 9 juin 1988, cité par Michèle Cotta dans son ouvrage « Le Monde selon Mitterrand » paru le 19 février (Tallandier)

« Quand j’ai nommé Edith Cresson, je lui ai dit qu’elle avait le devoir de se rendre impopulaire. Je ne pensais pas qu’elle réussirait si bien »

Un élève à la professeure Mathilde Lévèque, cité dans son ouvrage « LOL est aussi un palindrome » (First Editions)

« – Madame, mais cet aprem, on vous a deux heures ?

– Eh oui, comme toutes les semaines finalement

– Mais deux heures, j’pense pas que ça soille nécessaire, hein.

– En effet. »

Les Chiffres de la semaine

Quelques chiffres clefs à retenir pour nourrir notre réflexion …

5

C’est en milliards de dollars ce que prévoit d’investir Netflix dans la production de programmes en 2016, selon le cabinet Janney Montgomery Scott.

84,7

C’est en pourcentage de leur revenu brut disponible, l’endettement des ménages français à fin septembre 2014 selon La Banque de France. Les Allemands sont endettés à hauteur de 82,7% de leur revenu et les Américains 136,5%.

41000

C’est en Euros le montant de la facture réclamée par le traiteur Noura au président de l’Institut du Monde Arabe, cette somme inclut 71 repas pris avec son épouse, selon le Canard Enchaîné.

1000

C’est le nombre de mètres qui devront séparer une éolienne d’une habitation contre 500 actuellement. Cette mesure a été votée par le Sénat la semaine dernière.

3

C’est désormais la place de la France en Europe pour la surface agricole qu’elle consacre à l’agriculture bio, soit 1,1 million d’ha cultivés. La première place est occupée par l’Espagne, la seconde par l’Italie.

1000

C’est le nombre de couverts gratuits réservés à Jack Lang inclut dans l’appel d’offre lancé par l’Institut du Monde Arabe pour son service traiteur, selon l’Express.

106

C’est le nombre de mesures « en faveur des plus fragiles » contenues dans le « pacte parisien de lutte contre la grande exclusion » signé mercredi 18 février par la Ville de Paris, la Préfecture et de nombreux partenaires institutionnels, associatifs et économiques.

16

C’est en pourcentage le recul des ventes durant la période des soldes de 2015 versus 2014 selon le Cabinet Toluna.

10

C’est en pourcentage la progression des ventes sur internet pendant la période des soldes selon la Fevad.

4,1

C’est en pourcentage la baisse des ventes des quotidiens nationaux sur un an selon l’OJD, elle est de 3% pour les quotidiens régionaux.

70

C’est en pourcentage la progression des ventes du Figaro en version numérique sur un an, la progression est de 46% pour Les Echos. Selon l’OJD, les ventes numériques de ces titres devraient dépasser rapidement leurs ventes papier.

3500

C’est le nombre d’amendements étudiés dans le cadre de la discussion du projet de loi Macron à l’Assemblée Nationale au cours des trois semaines de débats. Le projet de loi a été finalement adopté par recours au 49.3

Motion de censure et vieilles dentelles

Découvrez le nouvel édito de Mathieu Quétel, président de Sountsou, publié dans le Huffington Post après le rejet de la motion de censure et l’adoption de la Loi Macron par recours au 49.3 en cliquant ici

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La France boulangère

Il s’appelle Stéphane Cazenave, boulanger, il emploie 22 salariés. Il a créé son entreprise il y a presque quatre ans. Professionnel reconnu il a même reçu le prix de « la meilleure baguette de France » lors du 1er Master national de la baguette de tradition française » en mai 2014. Bref, tout va bien pour lui. Sauf que…

Pour faire court, Stéphane Cazenave ouvrait depuis la création de sa boulangerie sept jours sur sept tout en respectant scrupuleusement le droit du travail. Il s’agit simplement d’un entrepreneur ambitieux et travailleur qui souhaite développer son entreprise, au service de ses clients. Mais nous sommes en France et par application d’un arrêté préfectoral, Monsieur Cazenave n’a pas le droit d’ouvrir sept jours sur sept même s’il respecte la loi du 13 juillet 1906. Il a donc subit deux visites de l’inspection du travail, a été auditionné par la police et a finalement fait le choix de fermer le lundi, afin de ne pas envenimer sa situation.

Le cas de Monsieur Cazenave est très intéressant. Il est bien français. D’abord parce qu’il est boulanger, la baguette n’est elle pas un emblème national ? Surtout, parce qu’il s’agit d’un petit entrepreneur bridé par des règles ridicules et sans doute des concurrents un peu jaloux et qui refusent de travailler autant que lui, ce qui est leur droit.

Alors, plutôt que d’encourager l’entrepreneur, de tenter de trouver des solutions pour lui permettre de poursuivre sereinement son activité, on lui impose une journée de fermeture par semaine, ce qui représente, selon lui, une perte de 250.000 Euros de chiffre d’affaires par an. Cette absurdité administrative aura un coût également pour un ou deux des salariés de Monsieur Cazenave qui se retrouveront au chômage. Mais est ce grave ? Non, il n’y a pas péril en notre belle France tant que Monsieur Cazenave ferme ses portes et que ses confrères et concurrents peuvent profiter de son jour de fermeture pour récupérer sa clientèle…

Cette situation ubuesque est un résumé de notre France boulangère. Notre pays semble incapable de reconnaitre ses TPE, PME et ses entrepreneurs. Nous acceptons de consumer nos forces vives de l’intérieur lentement mais surement par un dédale de lois, règlements, lourdeurs administratives qui, indiciblement, pèsent sur notre volonté collective et notre dynamisme.

Je ne connais pas Monsieur Cazenave mais je suis de son côté et je souhaite agir pour que cette situation change, parce que pendant que la France boulangère reste engoncée dans ses principes ridicules, le monde bouge, évolue, sans nous.

Mathieu Quétel, président de Sountsou