L’actu

Mois : mai 2015

L’auto-lobbying des parlementaires européens

Les parlementaires se sont octroyés une augmentation de 7% de leur budget « assistants » sans que l’on voit vraiment l’intérêt d’une telle démarche.

Cette décision d’augmenter l’enveloppe « assistants parlementaires » des députés européens surprend dans une ambiance de rigueur budgétaire imposée, précisément, par Bruxelles, à ses États membres. Les militants de cette hausse expliquent que leur niveau d’expertise serait insuffisant face aux puissants lobbies auxquels ils sont confrontés chaque jour.

On retrouve le confortable leitmotiv de certains parlementaires européens toujours pressés de critiquer les entreprises et de dénoncer de pseudos-lobbies ultra puissants. Une défiance à l’égard du monde de l’entreprise bien surprenante et qui cache mal la volonté de certains élus européens de procéder à un auto-lobbying bien pratique mais coûteux pour les finances publiques.

Ils oublient, en effet, de préciser qu’ils disposent déjà d’un nombre confortable de collaborateurs personnels en plus des 6000 fonctionnaires à leur service, dont le métier est précisément de maîtriser parfaitement les enjeux européens, sans parler des crédits des commissions et missions d’études spécifiques.

Les véritables motivations de cette hausse des crédits « assistants » se trouvent sans doute ailleurs, car elle ne représente « que » 1500 € par député, pas de quoi embaucher, dans une ville comme Bruxelles, un « expert » capable de tenir tête aux lobbies…

Cette augmentation intervient en outre au moment où une enquête interne sur l’utilisation réelle des assistants européens est en cours et pourrait aboutir à des poursuites judiciaires. Outre, le FN, des députés de nombreuses autres nationalités seraient également concernés, selon une enquête interne.

Et si vous tourniez le dos au Lobbying « à la papa » ?

Les relations institutionnelles ont connu leurs grandes heures il y a quelques années et de nombreuses « affaires » ont été rendues publiques, encore très récemment. Le fameux carnet d’adresses, que nous évoquions la semaine dernière, est au coeur de ce que nous appelons le lobbying « à la papa », celui qui repose, précisément, sur la commercialisation de réseaux construits au cours des années et « d’amis bien placés ». 

Si connaître des décideurs et pouvoir les joindre reste bénéfique, cela ne suffit néanmoins plus à construire une démarche institutionnelle efficace sur le long terme et qui tienne compte à la fois des besoins de l’entreprise et de l’évolution de son environnement politique. La majorité des élus d’aujourd’hui, notamment la nouvelle génération, sont différents de leurs aînés ; ils sont eux-mêmes plus exigeants et porteurs de valeurs. Les récentes déclarations d’intérêt sont éloquentes à cet égard. On constate que les nouveaux parlementaires agissent de façon bien plus transparente que certains vieux briscards de la politique…

Une nouvelle génération d’élus est apparue, ces dernières années, qui refuse de commettre les erreurs du passé et de perpétuer les comportements de certains de ses aînés. Il n’est plus rare de voir des parlementaires dénoncer publiquement (sur Twitter, en particulier) les cadeaux reçus de telle ou telle entreprise et jugés déplacés.

Certains reportages récents diffusés à la télévision sur des « clubs parlementaires » financés par des industriels ont eu des effets dévastateurs, à la fois pour les élus concernés et pour les entreprises qui s’adonnent encore à de telles pratiques.

Un jeune parlementaire m’a raconté une anecdote amusante. il a été invité à un dîner de « traitement des parlementaires de bases » par un grand patron (ces dîners réunissent une vingtaine de parlementaires membres de la même commission). Ces élus étant classés « de base », ils sont invités en groupe mais ont l’insigne privilège de dîner en présence du P-dg de cette entreprise du CAC 40… Ce dernier passe le temps de l’entrée et du plat à expliquer toute l’importance de son entreprise et ses enjeux sans s’occuper aucunement de ses invités. Notre jeune parlementaire ose le contredire sur un chiffre qu’il juge inexact et se fait littéralement « souffleter » en retour…

Nous sommes dans une situation-type du lobbying « à la papa » : pas de respect pour le parlementaire « de base », une gestion collective des élus, aucun intérêt pour eux, pour leurs propres préoccupations, leurs convictions et un seul but : « vendre sa soupe ».

Des méthodes dépassées, d’une autre époque, aujourd’hui inefficaces…

Cette exigence nouvelle (effet du numérique ?) impose donc de revoir les méthodes suivies dans la relation institutionnelle. Celle-ci ne peut plus se limiter à quelques contacts avec les seuls élus « décideurs » et bienveillants à l’égard de telle ou telle problématique.

La démarche de persuasion et de d’explication doit être plus systématique et, disons-le, plus professionnelle.

Tourner le dos au lobbying « à la papa », c’est résolument adopter une démarche de relations institutionnelles de conviction et de valeur. Cela demande plus de temps, c’est difficile et exigeant mais beaucoup plus efficace.

Mathieu Quétel

Président de Sountsou, auteur des Cahiers Experts « Les 10 erreurs à éviter en relations institutionnelles »

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