L’actu

Catégorie : Édito

Entrepreneurs, positivez ! 

Les entrepreneurs sont des Français comme les autres : ils en ont assez des promesses électorales non tenues et de ce millefeuille règlementaire qui étouffe leur créativité. Le risque est grand de les voir se désintéresser de l’élection présidentielle de 2017, par dépit, par lassitude de cet éternel recommencement des campagnes électorales qui portent leur lot d’espoirs déçus. Ils ont tort, 2017 pourrait marquer une réelle rupture.

La primaire de la droite et du centre qui semble s’imposer tant chez les militants que chez celles et ceux qui se reconnaissent dans ses valeurs, est en elle-même une rupture avec le passé. Elle aurait été inimaginable à droite il y a cinq ans. Aujourd’hui, elle apparait nécessaire voire indispensable. D’ailleurs, les sondages laissent entrevoir une volonté de renouveau sinon par l’âge, au moins dans la posture du candidat et du président que les sondés souhaitent pour leur pays.

Du côté de la gauche, les tensions internes entre les tenants d’une gauche ancrée dans le passé et les réformistes laissent également entrevoir une nouvelle façon d’envisager la réforme et, surtout, le monde de l’entreprise.

Car le centre de gravité de cette campagne s’annonce bien être l’économie. La sécurité est un sujet qui semble réglé puisque tous les candidats, sous la pression des attentats, se sont ralliés à une approche plus pragmatique de la demande de sécurité. L’économie est bien l’enjeu qui clive encore nettement la droite et la gauche.

Les candidats à la primaire de la droite et du centre annoncent des réformes ambitieuses pour ne pas dire radicales, peut-être trop pour certaines d’entre elles. Quant au gouvernement, il se lance à corps perdu depuis un an dans des annonces et des réformes censées le réconcilier avec le monde de l’économie, peut-être trop tardivement mais le tournant est bien là.

Alors oui, il est temps pour les entrepreneurs de participer au débat, de défendre des idées de réformes qui puissent être mises en oeuvre rapidement. Il faut se remettre en marche, positiver et travailler pour que les enjeux de l’entreprise soient enfin compris de dirigeants politiques trop longtemps déconnectés des réalités économiques, notamment des PME et TPE.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.

Le lobbying enfin reconnu 

Mediapart dévoilait la semaine dernière les grandes lignes d’un vaste projet de loi en préparation à Bercy sur la transparence de la vie économique et la lutte contre la corruption qui vise à insuffler transparence et bonnes pratiques dans le métier de lobbyiste. On ne peut que se féliciter d’une telle initiative.

Le lobbying suscite trop souvent une forte réserve alors qu’il constitue un élément essentiel à la fois du débat démocratique et de l’entreprise. Le monde économique a besoin d’être compris du politique, il doit pour cela mieux communiquer avec les décideurs politiques et leur donner les informations utiles à la prise de décision. Pour être efficace, il est essentiel que chacun sache d’où parle l’autre et quels sont les intérêts qu’il défend. En ce sens, l’existence d’un registre obligatoire présente un intérêt certain.

Les bonnes pratiques posées dans le projet de loi semblent évidentes. Surtout, elles révèlent  l’existence de dérives incontestables qui ont encore pignon sur rue et qui font du mal à la profession de lobbyiste ainsi qu’aux entreprises en général, systématiquement désignées dans les médias comme prêtes à tout pour faire évoluer les lois dans le sens de leurs seuls intérêts, forcément dévoyés.

De nombreux entrepreneurs confrontés à leur méconnaissance du monde politique ainsi qu’à la mauvaise image des lobbyistes, hésitent encore à se lancer dans une démarche institutionnelle. Ils n’ont pas encore pris conscience que celle-ci s’impose au même titre que la présence à leur côté d’un expert comptable, d’un service de R&D ou encore de communication.

Le lobbying est un véritable outil au service du dirigeant qui lui permet de mieux appréhender son environnement institutionnel au sens large et d’interagir avec lui. Tout entrepreneur, dont l’activité dépend de la décision publique, devrait prendre conscience de la nécessité de se doter d’une réelle démarche adaptée basée sur une véritable stratégie.

Gageons que ce projet de loi, défendu par Michel Sapin, qui sera présenté dans quelques semaines en Conseil des ministres participera à la prise de conscience collective de l’urgence qu’il y a pour le monde économique à entrer positivement en contact avec les décideurs politiques.

Mathieu Quétel, président de Sountsou, auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.

Présidentielle : quelle place pour les entreprises ? 

Le triptyque chômage, immigration et sécurité sera probablement au centre des préoccupations des Français pour la présidentielle de 2017. À lire les premières ébauches de programmes, la dimension économique semble être un élément essentiel pour tenter de repartir à la conquête de la croissance. Reste une question : comment les différents candidats vont-ils appréhender l’entreprise dans leurs programmes.

Les chefs d’entreprise semblent à bout. Comme l’ensemble des Français ils sont lassés des promesses non tenues, des demies réformes et des lourdeurs qui ne cessent de peser sur leur environnement direct. Avec la présentation du rapport de la commission Badinter, lundi 25 janvier, c’est la base du futur projet de loi travail de Myriam El Khomri qui est posé. Le moins que l’on puisse dire c’est que le flou est quasi total sur le texte qui sera finalement présenté en Conseil des ministres, le 9 mars.

Le rapport Badinter est typique de ces grandes réformes lancées avec fracas et qui se révèlent trop souvent déceptives pour le monde de l’entreprise. Avec le code du travail, on touche à l’un des derniers tabous de la gauche et il est peu probable que le projet de loi El Khomri soit finalement à la hauteur des attentes.

C’est tout le paradoxe de cette année 2016, la préparation de la campagne présidentielle ouvre la porte à tous les espoirs pour le monde économique, qui espère des réformes importantes pour remettre de la fluidité dans le quotidien des entreprises, redonner espoir aux créateurs de richesses et d’emplois et retrouver le chemin de la croissance mais le risque de déception est très grand.

Les entreprises et leurs Fédérations professionnelles se sont mises au travail pour établir des propositions en direction des équipes de campagne afin que les candidats intègrent dans leurs programmes respectifs des éléments de nature à redonner de la confiance au monde économique.  L’enjeu est de taille, il s’agit de renouer avec la croissance et surtout de permettre à la France de se mettre en phase avec un monde qui semble évoluer sans elle sur bien des sujets.

Si on s’en remet aux déclarations d’intentions des principaux candidats à la primaire de la droite et du centre, on peut s’attendre à un train de réformes en profondeur, en cas d’alternance en 2017. Les sénateurs LR viennent de publier 25 propositions concrètes qu’ils ambitionnent de traduire dans une proposition de loi attendue pour le printemps. Quant à la gauche, elle promet d’achever sa mue et d’adopter une attitude plus proche des entrepreneurs. À entendre les crie d’orfraie suscités par le timide rapport Badinter, on est en droit d’être inquiet.

La société civile n’est pas en reste et compte bien participer activement au débat de la présidentielle et à proposer une alternative, mais sera-t-elle en situation d’aller au bout de la démarche ? Les animateurs des mouvements La Transition et Nous Citoyens assurent que oui.

En tout état de cause, les entrepreneurs et leurs Fédérations professionnelles ont tout intérêt à se mobiliser, à travailler à des propositions concrètes et à se tenir prêts à veiller scrupuleusement à leur application à l’issue de l’élection.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.

L’insultant Monsieur Macron 

Au gouvernement, Emmanuel Macron est devenu le centre des débats avec une accélération depuis janvier. Le jeune Ministre, à qui tout semble réussir, s’est imposé en à peine plus d’un an comme le symbole d’une gauche condamnée à évoluer et casser ses tabous. Le chemin est encore long… 

Emmanuel Macron est devenu maître dans l’art de distiller phrases et postures qui ont le don de choquer la majorité. Mercredi 20 janvier, interviewé par Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV il lâche une petite phrase en apparence pleine de bon sens : « Il ne faut pas oublier que la vie des  entrepreneurs est bien souvent plus dure que celle d’un salarié ». Il n’en fallait pas plus pour que les députés des différentes composantes de la majorité présidentielle se répandent dans les médias pour dénoncer ces propos infamants et recadrer le jeune Ministre dont le nouveau dérapage frise une fois de plus, à leurs yeux, la provocation sinon l’insulte.

On notera que les parlementaires et personnalités de gauche qui se sont exprimées avec véhémence et ont animé la fin de la semaine ont remplacé, dans leurs interventions courroucées, le terme « entrepreneurs » par « patrons », sans doute plus en phase avec le verbatim idéologique qui sied à une bonne pensée économique. Surtout, on ne comprend pas bien ce qu’il y a de tellement choquant dans la phrase pour le moins anodine et de simple bon sens du Ministre, même s’il n’est pas très adroit de comparer ainsi entrepreneurs et salariés et de prendre le risque de les opposer.

En fait, il incarne une nouvelle pensée de gauche, plus proche du monde économique et ouverte à l’entreprise qui hérisse les « ultras » de la majorité, enferrés dans un carcan idéologique dont ils ne parviennent pas à se défaire. La réaction suscitée par cette phrase est bien symbolique de la place et de l’image de l’entreprise dans le débat politique : caricaturale. L’entreprise c’est le patron richissime, dont la fortune ne repose que sur une exploitation sans limite de salariés pieds et poings liés, dont la vie est aux mains de ce capitaliste sans vergogne.

Le même jour, l’attitude de trois syndicats dans le dossier de l’ouverture du dimanche dans les magasins FNAC n’a pas générée tant de réactions ni de droite, ni de gauche. Leur position irresponsable de bloquer l’ouverture des magasins quand la direction propose jusqu’à 300% d’augmentation de salaire pour certains dimanches travaillés laisse les politiques de marbre.

Cette journée du mercredi 20 janvier représente bien, me semble-t-il, l’atmosphère de suspicion permanente qui pèse encore sur le monde de l’entreprise. Les politiques rechignent à défendre un monde économique qu’ils connaissent mal et dont ils estiment qu’il y a un risque à le défendre de façon trop marquée publiquement.

Cette situation est également due au comportement encore trop souvent adopté à l’égard du monde politique par les entrepreneurs. Ces derniers pensent, à tort, que les élus ne servent pas à grand chose, qu’ils ne comprennent rien et ne travaillent pas, donc pourquoi perdre son temps ?

Ils rejoignent ainsi d’une certaine façon la très grande majorité des Français qui ne parvient plus à avoir confiance dans le politique, comme le révèlent les résultats de la vague 7 de l’enquête nationale annuelle du CEVIPOF.

Or, le politique est au centre de notre système démocratique, il est le seul à pouvoir engager les réformes dont les entrepreneurs ont besoin pour remettre notre pays sur les rails de la croissance. Les entrepreneurs ne peuvent donc les ignorer, ils doivent travailler au contraire à les convaincre ou, comme les initiateurs de La Transition, s’impliquer eux-mêmes pour changer les choses.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Les cadeaux, degré zéro du lobbying ? 

Le début d’année est toujours l’occasion des voeux. Si de plus en plus d’entreprises et de fédérations professionnelles renoncent aux cartes, jugées un brin surannées, d’autres les conservent et vont plus loin en perpétuant la tradition des cadeaux. Des initiatives qui peuvent se révéler malheureuses lorsqu’elles s’adressent aux élus.

Les élus changent, une nouvelle génération est apparue ces dernières années, très attachée à son indépendance et à une forme d’éthique jusque là assez inconnue dans les salons feutrés de la République. C’est ainsi, que chaque année au moment des voeux, fleurissent sur les réseaux sociaux des tweets et statuts courroucés ou ironiques sur les cadeaux reçus de la part de tel ou tel groupe d’intérêts.

Cette semaine j’en ai relevé un particulièrement savoureux accompagné d’une photo et qui posait la question « Dites @xxxxxxx, on ne vous a jamais dit que les cadeaux aux députés, c’était le degré 0 du lobbying ? ». Une interpellation publique qui a connu un certain succès au vu du nombre de retweets opérés par les 6000 followers de cette parlementaire.

L’affaire aurait pu en rester là si le syndicat professionnel ainsi mis en cause n’avait pas jugé utile de répondre via twitter avec, en plus, un manque évident d’humour. La députée s’est donc livrée à une leçon de lobbying en règle et a conclu l’échange par un dernier tweet cinglant « retour à l’envoyeur, désolée ». Ce n’est pas tant le lobbying en lui-même qui est ici en question que certaines pratiques qui relèvent d’un passé révolu ou en voie de l’être.

Dans le premier numéro de notre collection Les Cahiers Experts intitulé « Les 10 erreurs à éviter en relations institutionnelles », nous consacrions un chapitre à la question des cadeaux. C’est un sujet délicat car ces derniers doivent être utilisés avec parcimonie et finesse. Il convient de veiller à ne pas adresser un mauvais message. La France de 2016 n’est plus celle des années 80 et nos élus ont changé de posture. Ils acceptent bien volontiers de dialoguer avec les représentants d’intérêts, et certains reconnaissent même leur utilité dans l’accès à l’information et dans l’aide à la prise de décision mais nombreux sont ceux à être sourcilleux, à juste titre, de leur indépendance et de leur intégrité.

Je considère depuis longtemps que les cadeaux sont non seulement le « degré zéro du lobbying » mais également qu’ils appartiennent aux méthodes du « lobbying à la papa ». Je mets dans le même panier les déjeuners dans les restaurants coûteux et autres fantaisies qui ne relèvent pas d’un travail de conviction.

Cet incident assez drôle rappelle également que les élus ne se laissent plus faire et, au passage, que les réseaux sociaux peuvent se révéler redoutables.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.