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Catégorie : Édito

Loi travail : rendez-vous manqué pour les entreprises  

Cet édito a été publié dans Le Huffington Post du dimanche 20 mars.

La loi El Khomri fait couler beaucoup d’encre et risque fort de se terminer en queue de poisson pour les entreprises, notamment les plus petites. Mais au final, les entrepreneurs ne sont-ils pas en partie responsables de la situation ?

Partie sur les chapeaux de roues la loi travail devait emporter toutes les réticences sur son passage. Les sondages annonçaient des Français favorables à cette réforme (enfin !), un consensus politique commençait à se créer, certains élus de droite et du centre se déclaraient prêts à envisager de la voter, les syndicats patronaux saluaient une avancée, certes limitée, mais un premier pas dans le bon sens… Puis, patatras.

Il est vrai que du côté de la gauche de la majorité cela toussait un peu, mais frondeurs et syndicats avaient quelques difficultés à se faire entendre. Jusqu’à ce que les ultras reprennent la main avec les bonnes vieilles méthodes du militantisme politique adaptées à notre époque. Si la tribune de Martine Aubry publiée dans Le Monde a eu un certain écho, suscité plus par la violence de ses propos que par ses propositions inexistantes, c’est bien la pétition lancée sur change.org par Caroline de Haas qui a marqué un tournant décisif. Elle a su fédérer des mois de rancoeurs et de frustration d’une gauche qui ne se reconnait plus dans la majorité actuelle et qui est atterrée par le cheminement idéologique et politique de celui pour qui elle a voté en 2012.

Cette dérive « libérale » incarnée par Manuel Valls et Emmanuel Macron a très bien été dénoncée par Caroline de Haas, qui, en experte du militantisme, a su trouver le bon positionnement et mobiliser la jeunesse, pourtant peu concernée par les mesures du projet El Khomri 1. Puis la sauce est montée peu à peu, l’exécration d’une gauche conservatrice pour la gauche réformatrice servant de liant, la jeunesse étant utilisée comme fouet.

Dans ce débat interne à la gauche, les patrons ont été absents. On comprend le silence de l’opposition puisqu’elle a tout intérêt à laisser la gauche s’auto-détruire. Mais l’attitude des syndicats patronaux pose vraiment question. Engoncés dans des méthodes d’un autre siècle ils ont semblé incapables d’organiser la contre-offensive. Dépassés par une pétition numérique qui pourrait appeler bien des critiques, ils se sont laissés emporter par le projet El Khomri 2 qui sonne pour le gouvernement comme une reculade de plus mais bien comme un rendez-vous manqué pour le patronat.

Cette situation ne laisse rien présager de bon dans la mise en place des réformes après la présidentielle de 2017. En effet, si les principaux demandeurs de réformes structurelles ne soutiennent pas les initiatives politiques de façon efficace face aux inévitables tentatives de blocage, comment les gouvernants peuvent-ils envisager sérieusement d’appliquer leurs promesses électorales ?

Il est temps pour le monde de l’entreprise de s’organiser pour accompagner les dirigeants politiques. Expliquer qu’il est plus facile de mobiliser « contre » que « pour »une réforme est un argument pour le moins limité, comme de ressasser le manque de courage des gouvernants. Si les entrepreneurs ne veulent pas rater le rendez-vous de 2017, ils doivent se mettre au travail. Et vite.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Cette impossible réforme…  

Le projet de loi travail, qui risque fort de se briser sur les résistances de ceux qui bloquent le pays depuis des décennies, apparait de plus en plus comme le symbole de la lente déliquescence de notre pays.

Certes, la rédaction puis la communication maladroites du projet de loi El Khomri ont creusé sa tombe mais cela n’explique pas tout. Les débats qu’il suscite et les caricatures que nous devons subir depuis des semaines deviennent insupportables.

Les entrepreneurs sont présentés comme des salauds qui exploitent les salariés. Les entreprises sont décrites comme des lieux de souffrance pour de pauvres travailleurs réduits au rôle de victimes.

Où vivent ces syndicalistes qui prétendent représenter les Français ? Dans quel monde évoluent-ils pour oser, encore aujourd’hui, défendre une telle image du monde de l’entreprise et des créateurs ? Croient-ils vraiment que la France puisse encore continuer longtemps de vivre hors du monde et de ses réalités ?

Ce projet de loi n’est pas parfait. Il contient des éléments qui méritent incontestablement de débattre mais rien dans ce texte ne peut expliquer une telle mobilisation d’une infime partie des Français.

Face aux quelques milliers de manifestants et aux pétitionnaires numériques, le gouvernement annonce déjà sa zone de repli : le plafond des indemnités prud’homales pourrait n’être qu’indicatif et les CDD seraient surtaxés. Faisons le pari, que les reculades seront encore nombreuses sur un texte qui n’était qu’une petite avancée.

Depuis des décennies nous devons renoncer à toute réforme de notre système parce-que « c’est comme ça » que le « modèle français » est le meilleur, qu’il faut le défendre etc. Qu’en est-il de ces millions de personnes en recherche d’emploi ou en situation d’extrême précarité et de pauvreté ? Ne nous y trompons pas, ils ne sont pas au coeur des débats, il ne s’agit pas de les aider et de les accompagner vers un travail.

Pour les initiateurs de ce lobbying de rue, l’enjeu est ailleurs. Quand saurons-nous dire « non », « stop » à ces agitateurs qui font tant de mal à l’entrepreneuriat, à la France et aux Français ?

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Si inefficace lobbying à la papa  

Le projet de loi travail se transforme en bérézina pour le gouvernement et, il faut bien le reconnaître, ceux qui devraient soutenir cette réforme ne sont pas très audibles dans le brouhaha numérique qui devrait s’étendre à la rue dans les prochains jours.

Le projet El Khomri va dans la bonne voie. Il pose des évolutions dans le droit du travail qui devraient notamment permettre une meilleure sécurisation de l’emploi pour les entreprises et plus de contrats à durée indéterminée pour les salariés. À l’arrivée, chacun devait être gagnant. Sauf que le projet de loi a été quelque peu bâclé et soumis à l’opinion publique sans avoir été au préalable négocié avec les syndicats, au moins les réformistes. En outre, une communication va-t-en-guerre a placé ce projet de loi en situation de devenir le catalyseur facile des colères et rancoeurs des soutiens naturels d’un gouvernement qui ne cesse de décevoir.

Rapidement les représentants des chefs d’entreprise ont fait connaître leur soutien à la démarche réformiste inscrite dans le projet El Khomri. Cette posture a néanmoins été grandement limitée par l’inefficacité du lobbying à la papa que les syndicats patronaux continuent inlassablement d’utiliser.

Les négociations au sein des ministères et les rencontres au plus haut niveau de l’Etat sont indispensables. Les marathon dans les journaux télévisés des chaines d’information et les communiqués de presse sont incontournables. Il n’en reste pas moins que les outils numériques ne peuvent être à ce point ignorés, les méthodes traditionnelles de lobbying ne fonctionnent plus. Or, les organisations patronales poursuivent, dans leur grande majorité, un lobbying industriel non seulement inefficace mais également coûteux en image.

Cette semaine certains tweets moqueurs de parlementaires « frondeurs » qui recevaient des courriers-type de la part d’une organisation patronale pouvaient prêter à sourire. Ils sont hélas le reflet de méthodes de lobbying expéditives qui considèrent les parlementaires comme aux ordres du gouvernement quand, au contraire, la géographie parlementaire s’est métamorphosée…

Quant au spectacle d’une pétition de dénonciation idéologique du projet de loi, suscitée par une initiative individuelle, qui va dépasser le million de signataires face au flop retentissant de la contre-pétition lancée dans un total amateurisme des réformistes, il est désespérant.

Ce projet de loi traduit une situation bien réelle : le militantisme patronal doit se réformer. Il est certes complexe de défendre le monde de l’entreprise dans notre pays, mais rester engoncé dans un lobbying à la papa n’aide pas à donner une image plus favorable de l’entreprise. Le résultat est d’ores et déjà terrible : selon Elabe pour Les Echos, 80% des Français ne seraient pas satisfaits du texte actuel. Autant dire que ce projet de loi est en état de mort citoyenne.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Quand le carcan réglementaire tue l’audiovisuel

Cette tribune a été publiée le jeudi 25 février sur le site du quotidien Les Échos.

L’audiovisuel français évolue dans un cadre règlementaire strict et contraignant qui pourrait le mettre en danger face aux acteurs du numérique qui disposent d’un environnement totalement dérégulé. N’est-il pas grand temps de remettre le système à plat ?

La loi « liberté de création, architecture, patrimoine », initiée par l’ancienne ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin et en navette au parlement a donné lieu à une initiative rocambolesque et totalement déconnectée de la réalité économique ainsi que des enjeux auxquels ont à faire face nos entreprises éditrices de médias. Elle s’est, dans le même temps, désintéressée des allègements indispensables aux obligations qui pèsent sur les éditeurs audiovisuels.

Une déconnection totale de la réalité du marché

Le projet de loi, pourtant préparé pendant de longs mois par Fleur Pellerin et ses équipes, ne prévoyait aucune disposition sur le média radio avant son arrivée en commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale. Contre toute attente, les députés ont adopté en commission, malgré les réserves de son président, un amendement visant à alourdir les obligations des radios en matière de quotas de chansons francophones. Les radios françaises, pourtant les principales intéressées, n’ont pas été auditionnées par les parlementaires et ont du faire face ensuite à l’obstination de la ministre décidée à leur imposer des règles de programmation musicale toujours plus lourdes.

Il est tout à fait concevable qu’au nom de la diversité musicale et du soutien à la création française les radios soient mises à contribution pour mettre en avant les artistes francophones. Néanmoins, ne faut-il pas prendre en compte la forte baisse de la production francophone de ces dernières années ? En outre, est-il possible de nier que le contexte économique, technologique et concurrentiel de 2016 n’est plus celui du début des années 1990 et que les modes de consommation ont considérablement évolué ?

Jusqu’à présent, le gouvernement, dans cette affaire, a fait le choix d’ignorer la réalité, de ne pas entendre les réserves du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en charge de la régulation du secteur et n’a même pas pris le temps de recevoir les acteurs de la filière radiophonique. C’est une grave erreur.

En effet, l’avenir de l’industrie du disque repose sur l’explosion du streaming. Pascal Nègre l’a reconnu dans de multiples interviews avant de quitter la présidence d’Universal. Ces activités internet constituent également de redoutables concurrents des radios, notamment auprès du public jeune. Or, les géants du net ne sont soumis à aucune régulation et il n’est certainement pas question pour eux d’appliquer une règle de quotas qui date de 1994…

La télévision bloquée par des règles des années 90

Du côté de la télévision, la situation n’est pas plus brillante. Il suffit de regarder vos écrans des chaines de la TNT un samedi soir pour se rendre à l’évidence : aucun film de cinéma ne peut être regardé. En effet, une règle, qui fête son quart de siècle, interdit à la quasi-totalité des chaines gratuites de diffuser des films de cinéma le samedi, le mercredi et le vendredi soir ainsi que le dimanche avant 20H30… Il suffit de se remémorer la situation concurrentielle de 1990 pour comprendre à quel point cette règlementation est inadaptée à la situation d’aujourd’hui. Là encore, ce sont les nouveaux modes de consommation et les nouveaux concurrents des chaines de télévision qui sont considérés comme inexistants par une loi obsolète.

Que dire des règles qui régissent les liens entre les producteurs et les éditeurs ? Les chaines payent pour des programmes dont elles ne seront jamais les propriétaires et qu’elles ne pourront donc jamais vraiment rentabiliser. Elles ont également l’obligation de faire appel à des producteurs indépendants pour 75% des programmes qu’elles diffusent sur leur antenne. Un gaspillage de moyens aux multiples effets pervers : il affaiblit économiquement les chaines, freine les producteurs indépendants dans leur développement et a entrainé une paupérisation de la profession pointée par un récent rapport du CSA.

Le temps de la refonte est venu

Il ne s’agit que de trois exemples concrets d’un carcan réglementaire qui n’est plus tenable ni pour les radios, ni pour les chaines de télévisions françaises. Celles-ci doivent se battre dans un contexte concurrentiel de plus en plus difficile et face à des acteurs du net qui ne subissent aucune contrainte, sinon celle de rester en capacité de séduire massivement le public. En outre, ce corset  législatif affaiblit nos entreprises audiovisuelles face à leurs concurrentes européennes qui bénéficient de législations plus souples et en prise avec leurs réalités de marché.

La nouvelle ministre de la culture et de la communication devrait s’intéresser sérieusement au secteur de l’audiovisuel et engager la refonte de sa législation avec volontarisme et pragmatisme. Dans le cas contraire, il faudra que les dirigeants de chaines s’organisent pour peser efficacement dans les programmes en préparation dans les différents staffs des candidats, déjà nombreux, à l’élection présidentielle de l’an prochain.

Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques

 

La méthode Bertrand  

Xavier Bertrand est comme libéré depuis ce funeste 1er tour des élections régionales de décembre 2015 qui a failli lui coûter son ascension vers la présidence de la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Depuis son « Taisez-vous ! » lancé dans l’entre-deux-tours aux responsables de son parti Les Républicains et singulièrement à Nicolas Sarkozy, il a décidé de fonctionner en marge de la petite politique parisienne.

Dès sa prise de fonction à la tête de la nouvelle grande région, Xavier Bertrand avait mis en place le service « Proche Emploi » qui se met à la disposition des personnes en recherche d’emploi pour leur proposer différents services dont la mise en place de formations adaptées aux offres d’emplois locales et le mise en relation avec des employeurs qui embauchent. Un service qui vient pallier les nombreuses lenteurs et lacunes de « Pôle Emploi ». Mi-février, il réunissait ses vice-présidents, sur le terrain, à Calais, afin que chacun prenne conscience de la situation et puisse imaginer des solutions à proposer dans son domaine d’intervention. Le moins que l’on puisse dire que le nouveau président fait « pulser » la région Nord-Pas-De-Calais-Picardie.

C’est tout à fait par hasard que j’ai rencontré Xavier Bertrand, le vendredi 19 février, à Calais, ville dans laquelle il venait de passer la semaine allant de rencontres en réunions avec les forces vives de ce territoire blessé par les crises industrielles, économiques, sociales et migratoires.

Détendu, le président de région s’est livré, aux cours de cette semaine de travail sur le terrain, à un véritable audit de la situation et des forces en présence avec le souci affirmé de comprendre et d’appréhender les aides susceptibles de venir concrètement au secours des entreprises et de la population.

Inquiet, il constatait que les entrepreneurs revendiquaient des aides qui relèvent de l’Etat comme le moratoire sur les charges mais qu’ils apparaissaient moins créatifs pour l’éclairer sur les moyens que la région pourraient mobiliser pour les accompagner avant d’obtenir gain de cause sur leurs demandes auprès du gouvernement.

Insatisfait d’en être réduit au rôle de porte-parole des entrepreneurs auprès du gouvernement, Xavier Bertrand a donc essayé pendant cette semaine et sans doute au cours des jours suivants d’imaginer des chemins pour aider l’économie du Calaisis littéralement asséchée par une image désastreuse.

Soucieux également des tentatives de récupérations politiques, des tensions entre les acteurs locaux, il a enchaîné les rendez-vous pour renouer le dialogue entre les uns et les autres, à la recherche de solutions, y consacrant plusieurs heures à chaque fois.

Cette méthode inédite pour un responsable politique de ce niveau est sans doute l’approche dont a tant besoin cette terre du Nord de la France, réduite depuis des mois à l’image véhiculée par les médias nationaux d’un vaste bidonville au sein duquel la criminalité règnerait en maître. Elle inaugure sans doute un nouveau comportement politique absolument indispensable face au désarroi des français et des entrepreneurs après des décennies de décisions saccadées qui ont fini par décourager un large pan des forces vives de notre pays.

En échangeant avec Xavier Bertrand, je ne pouvais m’empêcher de penser à l’énergie, au temps et à l’argent que les acteurs locaux auraient pu économiser en facilitant un peu la tâche à leur président de région et en organisant mieux leurs demandes.

Au final, je me rassurais en me disant qu’une démarche institutionnelle construite et bien pensée permettait décidément de gagner considérablement en efficacité.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

Auteur de la Collection Les Cahiers Experts, le nouveau numéro « Présidentielle 2017 : 10 conseils pratiques pour faire entendre la voix des entrepreneurs » est disponible en téléchargement ici.