L’actu

Le dessous des cartes du mouvement anti-loi travail

Le nouveau numéro de l’émission Lobby or not Lobby sur la Radio des Entreprises est en cours de diffusion, vous pouvez l’écouter ici en podcast (durée 6 minutes). Simon Janvier et Mathieu Quétel décryptent les coulisses du mouvement anti-loi travail, notamment les motivations de la CGT.

Le texte de l’émission est disponible ci-dessous.

Simon Janvier : Bonjour et bienvenue pour ce nouveau rendez-vous de « Lobby or not lobby » avec Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques. Mathieu, bonjour, nous sommes toujours en plein débat sur la loi travail malgré le recours du gouvernement au fameux 49-3, et tout le monde semble déçu salariés, entreprises et syndicats.

 MQ : Bonjour Simon. En plein débat, vous êtes sympa. Nous assistons à un lobbying de rue déluré, sans filet et qui semble sans limite. La France est littéralement prise en otage par quelques radicaux qui font de la loi travail un symbole de leur combat contre le monde de l’entreprise.

Il s’agit plus précisément d’un combat politique contre le gouvernement, les manifestants souhaitent en effet un retrait pur et simple de la loi travail.

Je pense qu’il faut voir la réalité en face : la loi travail est un véhicule de contestation idéale pour certains radicaux. Rappelez-vous, elle prétendait, dans sa première version, fluidifier le droit du travail pour redonner de la compétitivité aux entreprises. Le mot « entreprise » était lâché. Or, une frange, ultra-minoritaire de la population rêve d’un monde sans patron et sans entrepreneur, pour elle l’entreprise est un lieu d’aliénation, d’exploitation. Il y a derrière ces manifestations ce relan anti-entreprise persistant et insupportable.

Enfin, il y a derrière ces manifestants toute une partie de la gauche qui reproche tout de même au gouvernement son social-libéralisme et qui souhaiterait revenir vers un gouvernement disons de gauche plus traditionnelle.

Il y a surtout un calcul politicien qui a déjà en ligne de mire 2017. Une partie non négligeable des anciens alliés de François Hollande a fait une croix sur sa réélection. Ils parient donc sur un retour de la droite au pouvoir et certains responsables misent tout sur la présidentielle de 2022. D’ailleurs parmi eux il y a également certains proches du président de la république. Ajoutez à cela Philippe Martinez le patron d’une CGT en perte de vitesse et en quète de légitimité et vous avez un cocktail détonant.

Mais pourquoi viseraient-ils 2017 ?

Lors de sa dernière intervention publique sur Europe 1, Le chef de l’Etat nous a fait le coup du « Au secours la droite revient », il a décrypté les projets de réformes des candidats à la primaire de la droite qui sont, il est vrai assez audacieux pour certains d’entre eux et il s’est positionné comme unique rempart sur le thème, « je ne suis peut-être pas idéal mais ne prenez pas le risque de miser sur la droite ».

Pour vous, les meneurs des manifestations partent du même constat ?

Oui, à la différence qu’ils estiment que la partie est perdue pour Hollande qui plafonne à 14% maximum d’intentions de vote pour la présidentielle. Ils préparent donc le terrain pour l’année prochaine. Si nous faisons un peu de politique-fiction : je peux vous assurer que ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend dès lors que les premières réformes seront initiées à l’été 2017. Or, ce qui est inquiétant c’est qu’une fois de plus le facteur déclenchant est le monde de l’entreprise montré du doigt et déconsidéré. Le silence assourdissant de l’opposition depuis quelques jours est du reste assez surprenant…

Pour le coup, le gouvernement joue le jeu. Il maintient sa réforme.

Cette réforme est devenue anti-entrepreneuriale. En outre, en laissant le blocage s’instaurer, la chienlit s’installer et la gangrène de la violence proliférer le gouvernement montre, par son manque d’autorité, que tout est permis au risque d’un gros dérapage, on est d’ailleurs passé à deux doigts d’un grave accident lors des blocages du 26 mai.

Le droit de manifester est constitutionnel, tout de même.

 En effet, mais nous sommes au delà de ce droit lorsque des préavis reconductibles sans véritable terme sont posés, lorsque la violence et les dégradations s’invitent à chaque manifestation et lorsqu’un blocage de notre économie est mis en place. Lorsque des rédactions de journaux refusent la publication d’une tribune écrite par le patron de la CGT, est-il normal qu’en forme de sanction et, disons le, de censure, la CGT empêche l’impression et la distribution de ces journaux sans préavis ? Le 26 mai seule l’Humanité est parue parce qu’elle portait un message conforme aux souhaits de la CGT. Est-ce constitutionnel d’entraver ainsi la liberté d’informer ?

Les Français semblent soutenir ces blocages et le retrait de la Loi El Khomri.

Ce soutien m’apparaît plus comme un rejet du politique, la traduction d’un ras-le-bol assez partagé dans le pays. Je ne peux croire que les Français soient solidaires de la violence et des messages haineux contre les entreprises et les entrepreneurs. La posture radicalisée de certains syndicats, surtout de la Centrale de la CGT, qui refusent le dialogue porte en elle une montée des enchères préoccupante pour les réformes dont notre pays a pourtant besoin. C’est également une remise en question profonde de la tradition du dialogue social que nous avions en France. La CGT, qui perd peu à peu tous ses bastions fait le choix de la radicalisation pour s’imposer.

En fait, vous pensez que ce pays est hermétique à toute réforme ?

Et bien non. Je crois au contraire que les Français sont prêts pour la réforme s’ils la comprennent. Mais certains, une minorité, veulent tout bloquer pour protéger des privilèges qui deviennent insupportables à une majorité. Ils essaient de détourner les regards vers un bouc émissaire : l’entreprise. Le monde de l’entreprise est une cible facile, il ne répond jamais et il est très mal représenté chez les politiques. L’enjeu de la présidentielle de 2017 pour les candidats sera d’être capables de pédagogie. Et ce n’est pas gagné.