L’actu

La droite se divise au centre

 

La primaire de la droite prend une drôle de tournure. Nicolas Sarkozy ne parvient pas à redresser la barre et Alain Juppé ne cesse de confirmer son leadership. La contre-attaque cible François Bayrou, mais cette différence au centre dépasse largement le seul président du Modem. D’autres ont d’autres préoccupations, cravate ou pas cravate pour le prochain débat télévisé ?

Bayrou, cible des snippers sarkozystes

Les sarkozystes ont trouvé une nouvelle cible sur laquelle ils peuvent tirer sans retenue pour toucher Alain Juppé, il s’agit de François Bayrou. Dans le Journal du Dimanche, ils ont même publié une tribune signée par 165 proches de Nicolas Sarkozy pour dénoncer la tentative de préemption de François Bayrou sur la future majorité. Il est reproché au président du Modem d’avoir soutenu François Hollande dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2012. Il est d’ailleurs tout à fait exact que le maire de Pau avait clairement appelé à faire barrage à une réélection de Nicolas Sarkozy en choisissant François Hollande. Mais, depuis de l’eau a coulé sous les ponts politiques. Les soutiens d’Alain Juppé ne manquent pas de rappeler que de nombreuses mairies de droite, des Conseils Départementaux et des Régions sont gérés avec des élus Modem et que cela ne pose aucun problème aux élus sarkozystes concernés, ni même à l’ancien Président de la République. Ambiance.

Sarkozy – Bayrou, la guerre est totale

Les tensions montent crescendo entre l’ancien Président de la République et le Maire de Pau. Jeudi 27 octobre, le premier a étrillé le second lors d’un meeting à Marseille. La réponse ne s’est pas faite attendre, elle prend la forme d’une lettre de 6 pages publiées sur la page Facebook du soutien centriste d’Alain Juppé. Intitulée « Un affrontement fondateur », la lettre, cinglante, essaie de dépasser les « attaques et les insultes » pour expliquer les raisons pour lesquelles François Bayrou et « trois millions de Français qui n’étaient pas de gauche » n’ont pas voté pour Nicolas Sarkozy en 2012. Le Maire de Pau décrit ces raisons :  » les atteintes graves et répétées aux principes de notre vie en commun, les abus de pouvoir et l’orientation de la campagne entièrement conduite pour opposer les Français entre eux. Ces raisons étaient impérieuses. Elles reposaient toutes non pas sur des a priori, mais sur des faits indiscutables et désormais prouvés. Elles faisaient craindre pour l’intégrité de notre pays, pour l’image de nos institutions, pour notre démocratie. Elles étaient fondées : qui sait où nous en serions arrivés si une réélection-surprise avait livré le pays à l’ivresse d’un succès construit sur tant de dérives ? « . François Bayrou répond également à Nicolas Sarkozy sur le présent et sur la nature même de sa campagne pour la primaire de la droite :  » La ligne stratégique de Nicolas Sarkozy a constamment été, pour gagner des voix, pour mobiliser des foules d’électeurs autour de lui, de faire flamber la division dans son pays. Au service de ce choix, il a fait feu de tout bois : les partis, la gauche, la droite, la nationalité, l’origine, la religion, le vêtement, la nourriture, l’Islam toujours. 
Faire de la division du pays le principe de l’action présidentielle, c’est manquer à la mission première qui est d’assurer la concorde civile, de rassembler les forces et de les ordonner pour faire face aux tempêtes. »  

Le « ni-ni » c’est fini

Nicolas Sarkozy n’avait pas retrouvé le micro de Jean-Jacques Bourdin depuis l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2012. Le journaliste et l’homme politique ne cachaient pas leur satisfaction lors de l’interview qui les a réuni jeudi 27 octobre en matinée, le second a même réservé un petit scoop au second en annonçant la fin du « ni-ni ». En clair, Nicolas Sarkozy voterait bien pour François Hollande en cas de duel « hautement improbable » Hollande-Le Pen au second tour de la présidentielle de 2012. Certes il mettrait le bulletin de vote de François Hollande le coeur serré, mais il le mettrait. Une volte-face puisque la posture de Nicolas Sarkozy était jusque là de refuser tout front républicain contre le Front National en cas de duel PS-FN… Il a d’ailleurs imposé cette attitude à LR pour les Départementales et les Régionales. Mais l’ancien Président de la République estime que le « ni-ni » ne peut s’appliquer pour l’élection présidentielle… En fait, il s’agit d’une inflexion dans sa campagne pour tenter de lui redonner du souffle et d’attirer des électeurs indisposés par son positionnement radical. Il recentre en quelque sorte son discours tout en continuant de marquer des frontières claires entre la droite et la gauche, entre l’acceptable et l’inacceptable, d’où sa sortie anti-Bayrou. Nicolas Sarkozy tente de capter les électeurs de l’aile droite de Juppé qui ne comprennent pas l’alliance avec le président du Modem, qui a appelé à voter Hollande en 2012. Ces mêmes électeurs qui ne sont pas forcément adeptes des déclarations au vitriol de Nicolas Sarkozy. Un pari risqué et bien tardif pour Nicolas Sarkozy qui fait le constat que sa stratégie de droitisation à outrance est dans l’impasse.

Cravate ou pas ?

Depuis quelques années, la question de la cravate est devenue un véritable sujet pour les hommes politiques. Enfin, pour certains d’entre eux… C’est ainsi que ceux qui veulent donner le sentiment d’être « différents », « jeunes », et qui cherchent à s’imposer comme les représentants du « renouvellement » de la classe politique font souvent le choix d’abandonner ce symbole un peu suranné mais qui reste incontournable. En effet, la cravate fait partie, en France, des symboles du respect à l’égard des personnes auxquelles on s’adresse et elle apparait encore indispensable pour incarner certaines fonctions, c’est notamment le cas du Président de la République. Ceux qui ont fait le choix d’abandonner le bout de tissu peuvent être confrontés à la lourdeur de nos codes politiques, c’est le cas de Bruno Le Maire dont l’une des questions (fondamentale) pour le second débat de la primaire de la droite est « cravate ou pas ? ». En effet, après le premier débat, au cours duquel il avait cru faire « jeunes » en apparaissant sans le précieux ustensile, il a fait face à de nombreuses critiques de ses électeurs lors de ses déplacements. Lors de son rendez-vous avec les lecteurs du journal Le Parisien, le mercredi 26 octobre, le candidat s’est présenté dûment cravaté.

Les Républicains face à leurs contradictions ?

Les écarts de langage de Jean-Frédéric Poisson et son manque de clarté sur sa position à l’égard du Front National suscitent des tensions au sein des Républicains qui n’ont pas vraiment besoin d’alourdir la barque en pleine primaire interne. Néanmoins, ces tensions sont également le résultat  de l’infiltration du parti par des groupuscules au cours des dernières années, encouragés par l’équipe de Nicolas Sarkozy, toujours persuadé qu’il doit séduire les électeurs du FN. C’est ainsi que l’émanation politique de La Manif pour Tous, Sens Commun, truste de nombreux mandats et des responsabilités au sein du parti. Si Sens Commun a fait le choix de soutenir François Fillon, le Parti Chrétien Démocrate (PCD) de Christine Boutin, parti associé et désormais présidé par Jean-Frédéric Poisson, va jusqu’au bout de sa démarche pour peser. Non seulement ce parti associé n’a pas été contraint de respecter les règles de la primaire pour présenter son candidat, mais en plus il espère peser sur le programme du vainqueur. Le problème c’est que le PCD ne cesse de se rapprocher du FN, pas certain que ce soit une posture compatible avec le candidat Juppé, par exemple.

Après la présidentielle, les législatives

Les experts de droite et de gauche s’inquiètent vivement des législatives de 2017 qui pourraient réserver de bien mauvaises surprises, y compris pour le nouveau Président de la République. En effet, tous s’accordent pour évaluer le poids du FN à l’issue des législatives entre 30 et 80 élus. Une étude, publiée en août par Opinion Way pour la Lettre de l’Opinion évalue cette jauge de 58 à 64 élus FN. Or, la majorité à l’Assemblée Nationale se situe à 289 élus. En cas de fourchette haute du nombre d’élus FN, ni le PS, ni LR, même associé aux centristes, ne seraient en mesure d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée Nationale.

NKM, l’image de la nouvelle droite ?

Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas réussi son pari anti-Hidalgo à la municipale de 2014, échec également pour incarner une voix différente, moins droitière, au sein de LR. Ce sont les tenants de la ligne dure qui l’ont écrasée et Laurent Wauquiez lui a ravit la place de numéro 2 avant de s’imposer, par intérim, à la tête du parti. Contre toute attente et avec le soutien d’Alain Juppé elle est parvenue à se qualifier pour la primaire de la droite. Cette victoire pourrait en annoncer d’autres. En effet, Nathalie-Kosciusko-Morizet, même si elle est loin de faire l’unanimité au sein du LR d’aujourd’hui façonné à la patte de Nicolas Sarkozy, pourrait réussir à s’imposer dans une nouvelle configuration à l’issue du processus électoral en cours. Elle défend une alliance avec les centristes et l’idée que la droite peut et doit exister en dehors de la radicalité à contrario du courant de la Droite Forte qui est leader au sein du parti. Celle qui ambitionne d’incarner la « Nouvelle France » pourrait bien s’imposer comme le porte étendard de la « nouvelle droite » qui pourrait sortir des urnes…

Le rebond de Fillon

Il le martèle depuis le début de son entrée en campagne, François Fillon va « créer la surprise » au soir du premier tour de la primaire le 20 novembre. Hélas, ses propositions économiques, très travaillées et précises, n’impriment pas. Depuis quelques semaines, sa campagne semble rebondir, il vient même de dépasser Bruno Le Maire dans les derniers sondages il est désormais le troisième homme. Cette place est stratégique car elle lui permet de rendre crédible sa fameuse « surprise » du premier tour. Son nouveau slogan « le courage de la vérité » sonne comme une provocation à l’égard de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, il repose surtout sur une réalité, c’est bien lui, à l’époque premier Ministre qui avait déclaré en Corse « Je suis à la tête d’un Etat en faillite ». Cette phrase qui lui a été tant reprochée, a marqué les esprits. Aujourd’hui François Fillon veut l’imposer comme le socle de son engagement de vérité. Les prochains débats télévisés de la primaire de la droite sera sans doute décisifs pour lui.

La force de Fillon

Bien des chefs d’entreprise sont sceptiques sur la capacité des candidats de la droite à appliquer leurs belles promesses de réformes une fois l’élection passée. Les entrepreneurs ont été alertés par les manifestations du printemps et par le blocage du pays contre la loi travail. Dans l’Opinion, François Fillon affirme sa force et sa détermination et veut les rassurer : «  La minorité bloquante, qui l’est de moins en moins, n’existe que parce que les politiques sont faibles. Les manifestations du mois de mai n’ont pas bloqué le pays. Seuls 150.000 personnes sont descendues dans la rue au printemps. En 2003, ils étaient 2 millions contre ma réforme des retraites, qui est pourtant passée. »

Juppé s’impose toujours

La septième vague de l’enquête Cevipof-Le Monde, réalisée mi-octobre auprès de 17047 personnes confirme la nette avance d’Alain Juppé sur ses concurrents dans la primaire de la droite. L’ancien premier Ministre est crédité de 41% d’intentions de vote au premier tour, contre 30% pour Nicolas sarkozy, 12% pour François Fillon, 11% pour Bruno Le Maire, 4% pour Nathalie Kosciusko-Morizet et 1% pour Jean-François Copé. C’est dire si les prochains débats télévisés seront vraisemblablement décisifs.

Dates de la présidentielle

Le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu le 23 avril 2017 et le second tour le 7 mai. Les élections législatives se tiendront les dimanches 11 et 18 juin. Enfin, les élections sénatoriales auront lieu le 24 septembre 2017. Pour mémoire, le second tour de la primaire d’EELV est prévu le  6 novembre, celle de la droite est prévue pour les 20 et 27 novembre 2016, celle de la gauche les 22 et 29 janvier 2017.