L’actu

Jour : 26 février 2016

Quand le carcan réglementaire tue l’audiovisuel

Cette tribune a été publiée le jeudi 25 février sur le site du quotidien Les Échos.

L’audiovisuel français évolue dans un cadre règlementaire strict et contraignant qui pourrait le mettre en danger face aux acteurs du numérique qui disposent d’un environnement totalement dérégulé. N’est-il pas grand temps de remettre le système à plat ?

La loi « liberté de création, architecture, patrimoine », initiée par l’ancienne ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin et en navette au parlement a donné lieu à une initiative rocambolesque et totalement déconnectée de la réalité économique ainsi que des enjeux auxquels ont à faire face nos entreprises éditrices de médias. Elle s’est, dans le même temps, désintéressée des allègements indispensables aux obligations qui pèsent sur les éditeurs audiovisuels.

Une déconnection totale de la réalité du marché

Le projet de loi, pourtant préparé pendant de longs mois par Fleur Pellerin et ses équipes, ne prévoyait aucune disposition sur le média radio avant son arrivée en commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale. Contre toute attente, les députés ont adopté en commission, malgré les réserves de son président, un amendement visant à alourdir les obligations des radios en matière de quotas de chansons francophones. Les radios françaises, pourtant les principales intéressées, n’ont pas été auditionnées par les parlementaires et ont du faire face ensuite à l’obstination de la ministre décidée à leur imposer des règles de programmation musicale toujours plus lourdes.

Il est tout à fait concevable qu’au nom de la diversité musicale et du soutien à la création française les radios soient mises à contribution pour mettre en avant les artistes francophones. Néanmoins, ne faut-il pas prendre en compte la forte baisse de la production francophone de ces dernières années ? En outre, est-il possible de nier que le contexte économique, technologique et concurrentiel de 2016 n’est plus celui du début des années 1990 et que les modes de consommation ont considérablement évolué ?

Jusqu’à présent, le gouvernement, dans cette affaire, a fait le choix d’ignorer la réalité, de ne pas entendre les réserves du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en charge de la régulation du secteur et n’a même pas pris le temps de recevoir les acteurs de la filière radiophonique. C’est une grave erreur.

En effet, l’avenir de l’industrie du disque repose sur l’explosion du streaming. Pascal Nègre l’a reconnu dans de multiples interviews avant de quitter la présidence d’Universal. Ces activités internet constituent également de redoutables concurrents des radios, notamment auprès du public jeune. Or, les géants du net ne sont soumis à aucune régulation et il n’est certainement pas question pour eux d’appliquer une règle de quotas qui date de 1994…

La télévision bloquée par des règles des années 90

Du côté de la télévision, la situation n’est pas plus brillante. Il suffit de regarder vos écrans des chaines de la TNT un samedi soir pour se rendre à l’évidence : aucun film de cinéma ne peut être regardé. En effet, une règle, qui fête son quart de siècle, interdit à la quasi-totalité des chaines gratuites de diffuser des films de cinéma le samedi, le mercredi et le vendredi soir ainsi que le dimanche avant 20H30… Il suffit de se remémorer la situation concurrentielle de 1990 pour comprendre à quel point cette règlementation est inadaptée à la situation d’aujourd’hui. Là encore, ce sont les nouveaux modes de consommation et les nouveaux concurrents des chaines de télévision qui sont considérés comme inexistants par une loi obsolète.

Que dire des règles qui régissent les liens entre les producteurs et les éditeurs ? Les chaines payent pour des programmes dont elles ne seront jamais les propriétaires et qu’elles ne pourront donc jamais vraiment rentabiliser. Elles ont également l’obligation de faire appel à des producteurs indépendants pour 75% des programmes qu’elles diffusent sur leur antenne. Un gaspillage de moyens aux multiples effets pervers : il affaiblit économiquement les chaines, freine les producteurs indépendants dans leur développement et a entrainé une paupérisation de la profession pointée par un récent rapport du CSA.

Le temps de la refonte est venu

Il ne s’agit que de trois exemples concrets d’un carcan réglementaire qui n’est plus tenable ni pour les radios, ni pour les chaines de télévisions françaises. Celles-ci doivent se battre dans un contexte concurrentiel de plus en plus difficile et face à des acteurs du net qui ne subissent aucune contrainte, sinon celle de rester en capacité de séduire massivement le public. En outre, ce corset  législatif affaiblit nos entreprises audiovisuelles face à leurs concurrentes européennes qui bénéficient de législations plus souples et en prise avec leurs réalités de marché.

La nouvelle ministre de la culture et de la communication devrait s’intéresser sérieusement au secteur de l’audiovisuel et engager la refonte de sa législation avec volontarisme et pragmatisme. Dans le cas contraire, il faudra que les dirigeants de chaines s’organisent pour peser efficacement dans les programmes en préparation dans les différents staffs des candidats, déjà nombreux, à l’élection présidentielle de l’an prochain.

Mathieu Quétel, président de Sountsou – Affaires Publiques

 

Ne vous résignez pas !

Le livre que publie Bruno Le Maire simultanément avec l’officialisation de sa candidature à la primaire de la droite et du centre sonne comme un appel à la rebellion des électeurs « Ne vous résignez pas ! » lance-t-il à la cantonade comme pour inciter les lecteurs à suivre son exemple.

Ce livre rejoint la longue liste de ceux de François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé et précède ceux de Nadine Morano, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Hervé Mariton. Les candidats à l’investiture de la droite pour la présidentielle de 2017 cèdent tous à la tentation de l’écrit pour ouvrir les portes des médias ou lancer une tournée des provinces. La différence de Bruno Le Maire est qu’avec déjà sept livres, il a su s’imposer comme auteur à succès.

Le candidat à la candidature est fort de sa jeunesse et de ses différences. Il a démissionné de la fonction publique, certes très récemment, mais il en profite pour marteler que les autres devraient en faire autant. Il souhaite incarner le renouveau qu’il veut imposer dans son camps. Il invite les français à tourner une page de la Vème République.

Bruno Le Maire en est parfaitement conscient, s’il gagne la primaire des 20 et 27 novembre, il mettra de fait à la retraite ses trois principaux concurrents Alain Juppé, François Fillon et Nicolas Sarkozy. Il sait que depuis le mardi 23 février, date officielle de son entrée en campagne, il est devenu une cible vivante. Désormais tous les coups seront permis. Il ne reste qu’à attendre les premières salves qui ne devraient pas tarder.

D’ailleurs, force est de constater que le quadragénaire a déjà remporté une première victoire : il s’impose dans le quatuor des favoris de la primaire. Ce n’était pas gagné si l’on observe les piètres résultats que promettent les sondages aux autres petits candidats. Pour l’heure, il est le seul à être donné perdant au 1er tour face à François Hollande dans les derniers sondages, mais d’un petit point et le sondage Ifop pour Fiducial-Paris Match-Sud Radio publié le 23 février, le crédite de 17% au 1er tour s’il représentait la droite à la présidentielle de 2017, contre 18 pour François Fillon s’il se présentait seul, et 21% pour Nicolas Sarkozy. Le principal enseignement de ce sondage n’est-il pas que l’ancien président, son ancien premier ministre et son ancien ministre sont dans un mouchoir de poche, quand Alain Juppé les distance largement avec 30% d’intentions de vote s’il était le représentant de la droite à la primaire ?

Alors, Bruno Le Maire a vraisemblablement raison de ne pas écouter les Cassandre. Les entend-il seulement ? Il fonce. Il commence dans son livre à tirer un bilan désastreux des trente dernières années de gouvernements successifs, dont ceux auxquels il a appartenu. Il accuse, s’accuse (un peu), regrette que les décision « essentielles » aient été diluées dans les « décisions accessoires », bref que les réformes n’aient pas été entreprises afin d’endormir le bon peuple rassuré par tant de mensonges et de lâchetés successives.

Il devrait commencer à égrener ses propositions concrètes dans les prochains jours avant de les réunir dans un nouvel ouvrage-programme annoncé pour le mois de septembre. D’ici là, il va poursuivre sa campagne, sur les routes de France, sur le terrain. Ses propositions seront sans doute aussi radicales que les premières qu’il a dévoilées comme le fait de confier la gestion des chômeurs au secteur privé, la suppression de 1 million de postes de fonctionnaires sur 10 ans, le plafonnement des allocations les plus élevées, l’extinction du statut de la fonction publique territoriale au profit de statuts privés ou la retraite à 65 ans…

S’il est attendu sur ces propositions de réformes il ne faudrait pas que son souhait de faire table-rase se traduise par des promesses impossibles à traduire en réalité. Le risque est réel.