L’actu

Mois : décembre 2015

TNT : l’ardent lobbying des chaînes d’info

L’information sur la TNT gratuite est au coeur de vastes opérations de lobbying où tous les coups sont permis, si TF1, Nextradio et le groupe Canal sont aux avant-postes, les patrons du service public ne sont pas les derniers à se mobiliser.

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) devrait rendre sa décision quant au passage sur la TNT gratuite de LCI et de Paris Première d’ici la mi décembre a annoncé au Figaro son Président, Olivier Schrameck. Très remonté, Alain Weill dénonce une menace qui pèserait sur BFM TV dans le cas où LCI passerait en gratuit à cette occasion. Or, la chaîne info de TF1 n’a jamais été aussi proche d’obtenir satisfaction de la part du CSA.

Le patron de Nextradio (groupe qui contrôle BFM TV) dégaine la menace à l’emploi et annonce par voie de presse qu’il serait prêt à supprimer une centaine de postes en cas d’arrivée sur la TNT gratuite de LCI. Il estime en effet que les ponctions publicitaires générées par LCI ainsi que son audience potentielle en gratuit mettraient en question le modèle économique de la « première chaîne info de France ». Il sous-entend également être la cible d’une cabale politique, le pouvoir en place chercherait à l’affaiblir car son traitement de l’information ne conviendrait pas en haut lieu. Il cite en exemple, le récent passage de la ministre du Travail au micro de Jean-Jacques Bourdin qui s’est révélé désastreux.

De son côté, LCI ne manque pas d’arguments. Il s’agit de la chaîne info la plus ancienne, TF1 a d’ores et déjà renoncé aux synergies de groupe en matière de publicité et de promotion, au moins pour un certain temps et le Conseil de la concurrence est moins critique sur ce passage dans la TNT gratuite qu’en 2014. il faut dire que le contexte concurrentiel a été quelque peu modifié, et cette fois c’est Alain Weill lui-même qui est à la manoeuvre.

En annonçant, au début de l’été, le rapprochement de Nextradio et d’Alice, la filiale média du milliardaire Patrick Drahi, le dirigeant de BFM TV s’est mis dans une situation délicate puisque cette alliance modifie considérablement le périmètre de son groupe. Difficile pour lui de prétendre aujourd’hui n’être qu’un petit groupe indépendant menacé face aux géants de l’audiovisuel… En outre, ses attaques à répétition contre le CSA le font apparaitre comme bien ingrat à l’égard de l’Autorité de régulation qui lui a permis en quelques années de construire un groupe puissant en obtenant gratuitement des dizaines de fréquences hertziennes en télévision et en radio.

Du côté du service public, la mobilisation est également totale pour promouvoir la création d’une nouvelle chaîne d’information. Si la présidente de France Télévision, Delphine Ernotte, s’est toujours défendue publiquement de revendiquer une fréquence TNT pour ce projet, son confrère de Radio France, avec qui elle s’est associée, a bien fait part devant les sénateurs de son souhait d’obtenir une fréquence hertzienne. Ainsi France Télévision et Radio France se sont partagées les tâches pour un lobbying auprès de leur tutelle par voie de presse et d’auditions au Parlement. Une étrange situation et une méthode qui laisse perplexe lorsque l’on sait que de l’aveu même de Madame Ernotte cette chaîne d’information publique n’est pas financée…

Dans le viseur des deux dirigeants du service public de l’audiovisuel on retrouve la chaîne Numéro 23 sous le coup d’une abrogation d’autorisation d’émettre qu’ils se verraient bien obtenir par préemption du gouvernement. Néanmoins, le dirigeant de Numéro 23, Pascal Houzelot, se bat pour éviter un tel sort et il pourrait leur réserver encore bien des surprises. Madame Ernotte et Monsieur Gallet devraient alors se résoudre à changer de destination l’une des nombreuses chaînes de France Télévision, on évoque déjà France 4.

D’ici le 15 décembre, le CSA pourrait déjà donner l’occasion à Alain Weill de montrer s’il ira au bout de ses menaces.

Lobbying : Ne vous fiez pas à vos seules idées

En lobbying, la première règle est, bien entendu, de ne pas défendre vos seuls idéaux personnels. En effet vous agissez pour votre entreprise ou votre Fédération professionnelle avec pour seul objectif de faire prospérer vos propositions. Adressez-vous donc à tous les partis politiques, notamment ceux qui sont susceptibles de gouverner et leurs alliés proches.

Les programmes gouvernementaux se construisent, parfois, sur la base de consensus entre des projets qui peuvent être différents au départ. Il convient donc de cibler l’ensemble de l’échiquier politique et de prendre en considération les différents courants au sein des partis.

La cartographie politique est complexe, il n’existe pas une droite et une gauche uniformes, les majorités des uns et des autres se construisent par le biais de négociations et d’arbitrages de dernière minute. Vous devez en tenir compte dans l’élaboration de vos argumentaires et, plus généralement, dans votre approche globale.

Bâtir votre démarche sur vos propres convictions ou vos ressentis constituerait une erreur qui pourrait réduire à néant votre travail. Au contraire, vous devez être « agnostique », votre approche des différents candidats doit s’effectuer avec conviction et avec la volonté sincère de partager votre quotidien et les besoins de votre entreprise ou de votre secteur d’activité.

Il existe de nombreux élus de gauche qui ont une compréhension forte de l’entreprise et qui souhaitent l’accompagner, alors qu’au contraire, certains élus de droite n’y comprennent rien et n’utilisent le monde économique que comme faire-valoir électoral, quand ils ne le réduisent pas aux seuls multinationales, les PME et les TPE ne présentant aucun intérêt à leurs yeux.

Pour résumer, la droite n’est pas nécessairement l’amie des entreprises et la gauche n’a pas une aversion systématique pour les entrepreneurs !

L’entreprise est incontournable, elle fait partie du quotidien des Français, elle est créatrice de richesse, de travail, elle porte l’avenir du pays par ses découvertes, ses innovations, mais elle reste mal traitée par le politique.

Les entrepreneurs ont une part de responsabilité dans cette situation, certains sont tellement convaincus que les politiques n’y comprennent rien et ne servent à rien, qu’ils ont fait le choix de ne plus communiquer avec eux.

Il existe également une forme de défiance à l’égard des grands syndicats patronaux qui sont en contact direct avec le politique et semblent un peu déconnectés de la réalité de leurs mandants. Ils paraissent insuffisamment exigeants vis à vis des élus et leur base le leur reproche de plus en plus.

Le moment particulier de la préparation de la campagne de la présidentielle doit mettre de côté les reproches accumulés, les « à priori », ainsi que la méfiance que l’on peut ressentir à l’égard du politique. Il faut le considérer au contraire comme un allié qui a besoin d’informations, d’arguments pour porter des idées.

C’est un travail indispensable à opérer sur soi-même avant de se lancer dans une démarche de propositions. Acceptez de faire une « remise à zéro » de votre colère et de votre ressenti à l’égard de cette « classe politique qui ne comprend rien à rien », de même, mettez vos convictions politiques de côté, vous défendez l’entreprise, sa place dans un programme électoral qui doit être réformateur, enfin !

Mathieu Quétel

président de Sountsou et auteur des Cahiers Experts.

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Régionales : où sont les entrepreneurs ?

Une étude du Cevipof sur le profil des candidats aux élections régionales met en lumière le manque de présence  du monde de l’entreprise sur les listes.

L’étude portant sur les candidats de 2015 note que « les groupes dirigeants de la vie économique locale sont rares en moyenne. Les représentants du patronat et du monde industriel comptent pour 3,6%, les professions libérales pour 7,3% (dont 1% d’avocats et 1% de médecins, ce qui semble évoquer un certain déclin des élites notabiliaires locales traditionnelles), les artisans et commerçants pour 4,6%. Les agriculteurs exploitants constituent 2,4% des candidats. » En revanche, le tiers des candidats est issu du secteur public, un chiffre en recul puisqu’ils représentaient 57% des candidats en 2010.

La réforme territoriale donne plus de pouvoir économique aux nouvelles grandes régions, on pouvait donc espérer une plus grande représentativité des chefs d’entreprise à l’issue des élections des 6 et 13 décembre prochains. En fait, rien n’est moins sûr. Si Virginie Calmels, signe son engagement au côté d’Alain Juppé en prenant la tête de liste en Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, elle reste une exception.

Deux raisons principales à cette situation : le scrutin de liste favorise les choix d’appareils et les chefs d’entreprise ne sont certainement pas des professionnels de la politique, la seconde raison tient également au manque d’appétence des entrepreneurs pour l’engagement politique.