L’actu

Mois : octobre 2015

Prix du livre politique Edgar Faure

Le 24 novembre prochain sera remis le neuvième Prix du livre politique Edgar Faure. 14 ouvrages font partie de la sélection de cette édition 2015. Le Prix avait été attribué en 2014 à Natacha Polony pour « Ce pays qu’on abat », un recueil de ses éditoriaux publiés dans Le Figaro de 2009 à 2014, qui a connu un beau succès en librairie.

Parmi les livres en compétition, cette saison, on notera la sélection de l’ouvrage collectif « Politique et éthique : regards croisés » (Bart & Jones) qui regroupe les écrits de 17 auteurs, issus de la société civile ou du monde économique et qui partagent, sous la direction éditoriale de Nathalie Bordeau et David-Xavier Weiss, leurs visions de la politique et de l’éthique par chapitres interposés. Mathieu Quétel, président de Sountsou a participé à la rédaction de cet essai en rédigeant le chapitre « Médias et éthique ». Les droits d’auteurs sont intégralement reversés à l’association Le Refuge.

Les autres ouvrages en compétition :

  • Manifeste contre le gaspillage de Arash Derambarsh (Fayard)
  • La mort n’est pas une solution d’Anne-Isabelle Tollet (Les Éditions du Rocher)
  • Poison présidentiel, Ghislaine Ottenheimer (Albin Michel)
  • Jacques Soustelle, Marc Francioli (Les Éditions du Rocher)
  • Dans les coulisses des voyages présidentiels, Jean-Marie Cambaceres (Cherche Midi)
  • Le fils perdu de la République, Michel Taubmann (Éditions du Moment)
  • Chirac, les secrets du clan, Béatrice Gurrey (Robert Laffont)
  • François Mitterrand, Michel Winock (Gallimard)
  • Génération gueule de bois, Raphaël Gluksmann (Allary Éditions)
  • Le fantôme de l’Elysée, Philippe Dessertine (Albin Michel)
  • Une histoire du IIIème Reich, François Delpla (Perrin)
  • Cartouche, roi du pavé de Paris, Gilles Henry (Les Éditions du Rocher)
  • Le Vicomte, Maud Guillaumin (Éditions du Moment)

Air France : victime de l’ambiance « anti-entreprise »

Les scandaleuses images du CCE d’Air France transformé, sous l’impulsion d’une vingtaine de voyous, en rixe de banlieue apparait comme le symbole de ces campagnes anti-entreprises qui ne cessent de prospérer sur les médias ou dans les propos de certains politiques. Une contradiction au moment où l’entreprise, créatrice de richesse et d’emplois, devraient au contraire être mieux reconnue et défendue et où divers sondages montrent la sensibilité positive des français à son égard. 

« Nos vies valent plus que leurs chemises » assène Clémentine Autain dans un texte de son blog sur « la révolte à Air France ». La compagnie aérienne ferait donc face à une « révolte » sans doute comparable à celles qui ont renversées certains régimes dictatoriaux il y a quelques mois…  Quant aux violences elles sont réduites à des chemises déchirées ce qui permet également de mettre au second plan les êtres humains qui portaient ces chemises et leur ressenti face aux agressions dont ils ont été victimes.

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, ne fait pas autre chose quand il refuse de condamner ces violences et qu’il préfère les comparer à la « violence sociale » de la perte d’emploi. Que dire des propos de Jean-Luc Mélenchon qui s’est cru bien inspiré de fustiger Air France et sa direction sans juger utile de condamner les exactions commises devant les caméras ?

Certains responsables syndicaux et politiques préfèrent donc nourrir leur fond de commerce électoral, plutôt que de condamner des violences commises sur des personnes. Le lendemain de ce CCE, une vidéo partielle et partiale, filmée à l’aide d’un téléphone portable, a été largement diffusée sur les sites internet de certains médias. On y voyait une salariée d’Air France crier sa détresse face à des cadres présentés comme dédaigneux et froids, une forme de légitimation des violences du CCE. Sauf que cette vidéo ne présentait pas le texte pourtant publié par la salariée en question sur Facebook et dans lequel elle précisait qu’un échange direct avec ces cadres avait bien eu lieu.

Il ne s’agit certes pas de nier la détresse parfaitement compréhensible de salariés qui doivent faire face à un nouveau plan de restructuration de leur compagnie. Néanmoins, leurs craintes, légitimes, peuvent elles justifier la violence physique ? Pour certains, force est de constater que oui. C’est très regrettable et cela ne les grandit pas mais explique bien des blocages dont est victime notre pays aujourd’hui. Notre incapacité à réformer et à avancer trouve ses racines dans des comportements ancrés dans le passé des luttes syndicales pour conquérir des droits, devenus aujourd’hui des enjeux de préservation d’un monde dépassé.

Monsieur Martinez veut préserver la place de la CGT, il doit également défendre les immenses privilèges dont bénéficie son syndicat. Air France est également victime de postures syndicales et corporatistes qui lui ont longtemps refusé toute adaptation au prix de grèves coûteuses à tous les niveaux.

Dans le même temps, un sondage TNS Sofres publié la semaine dernière montre que 60% des Français seraient favorables à plus de libéralisme dans notre économie. Nos compatriotes prennent peu à peu conscience de l’absolue nécessité de s’adapter, certes dans un environnement régulé.

Un autre sondage, réalisé par Elabe, pour BFM TV, montre que près de 3/4 des Français sont choqués par les évènements d’Air France. La compagnie s’est adressée vendredi à ses clients par le biais d’un mel personnalisé et d’un film pour rappeler « Ce n’est pas le vrai visage d’Air France » avant de marteler « Air France c’est ça, c’est nous, c’est pour vous ». Une campagne de communication relayée sur les réseaux sociaux afin de tenter de redorer une image passablement abîmée au plan mondial par cette affaire. On est loin, en effet, des codes du luxe et du glamour développée par la nouvelle signature de la compagnie « France is in the Air ».

Le contraste est saisissant entre les déclarations extrêmement mesurées de la direction d’Air France, des victimes des violences et les commentaires toujours à charge des hérauts de la guerre anti-entreprise. D’un côté la volonté d’apaiser, de renouer le dialogue, de ne pas faire d’amalgame entre quelques excités et le reste des salariés ou représentants syndicaux, de l’autre un discours violent, agressif et passéiste. Un contraste à méditer.

Mathieu Quétel, président de Sountsou.

La loi Macron face aux résistances

La loi Macron sera-t-elle victime des résistances diverses qui continuent de s’exercer à tous les niveaux ? Une mission parlementaire a été mise en place le 6 octobre afin d’assurer le suivi de l’application de la loi « croissance et activité ».

Richard Ferrand (PS) est le député en charge de présider la mission d’application de la loi Macron qui comprend vingt quatre membres issus de la majorité et de l’opposition. Son rôle sera crucial puisqu’elle devra veiller à une application rapide de la loi quand seuls quatre décrets ont été publiés sur les quatre vingt quinze nécessaires…

Les différentes administrations ainsi que leurs ministres ont du s’effacer pendant de longs mois au profit du seul Emmanuel Macron qui occupait le devant de la scène et qui défendait son texte devant les Assemblées. L’heure est donc à la reprise en mains et à l’expression des résistances pas forcément rendues publiques mais bien présentes. Ainsi, Monsieur Ferrand révèle dans Le Monde que « l’intérieur rechignait sur le permis de conduire, les transports rechignaient sur les cars, la justice rechignait sur les professions réglementées ».

À ce jour, seul l’ouverture des liaisons interurbaines par autocar et l’extension du travail le dimanche sur les zones touristiques internationales (ZTI) sont en vigueur. Et encore…

3000 commerces sont concernés par ces ZTI. Les négociations initiées par l’Union du commerce de centre-ville (UCV) avec les syndicats, afin d’envisager les contreparties salariales au travail dominical, ne se déroulent pas dans une ambiance très constructive et il est peu probable que celles-ci aboutissent avant mars 2016. Les syndicats jugent les propositions de l’UCV inacceptables en l’état. L’Union propose une compensation dégressive en fonction du nombre de dimanches travaillés (100% pour les cinq premiers, 30% pour les 37 derniers) et un statut différencié entre les salariés de la semaine, volontaires pour travailler le dimanche, et ceux des équipes du week end.

Quant à l’intersyndicale, elle souhaite un quadruplement des salaires pour tous ainsi qu’une prise en charge à 100% des frais de garde des enfants (contre 50% pour l’UCV). Des positions qui semblent encore difficilement conciliables et qui demanderont du temps pour espérer se rencontrer. Un exemple concret des blocages à l’oeuvre et des dispositifs pervers contenus dans la loi. Celle-ci exclue la possibilité de recourir au référendum pour mettre en place le travail dominical. Si la situation actuelle devait perdurer, alors il faudrait basculer sur des négociations établissement par établissement. L’UCV ne voit pas une mise en place du dispositif avant la fin de l’année 2016…

Il n’en reste pas moins que le ministère de l’économie reste convaincu que la loi se déploiera rapidement. Avant la fin du mois, le décret libéralisant la publicité dans les grands stades devrait être publié. Néanmoins, même si dans la perspective de l’Euro 2016 on peut comprendre que ce décret soit important il n’apparait pas très décisif au regard des blocages de l’économie… C’est pourquoi le gouvernement souhaite appuyer sur l’accélérateur et publier rapidement les décrets nécessaires aux accords de protection de l’emploi ainsi qu’aux nouvelles mesures pour le permis de conduire. La régulation des tarifs autoroutiers, les professions réglementées, le développement du logement intermédiaire, le financement de l’économie et les tribunaux de commerce devraient voir leurs décrets d’application publiés d’ici la fin de l’année.

Cette loi Macron, pourtant jugée peu ambitieuse par beaucoup, peine à s’imposer dans les faits et la mission d’application va avoir, dans les prochains mois, du travail pour imposer un rythme soutenu à son déploiement concret.

Automobile, budget à la une…

Le scandale Volkswagen ne cesse de déployer ses effets dévastateurs, la France se contredit dans le budget 2016 en s’attaquant aux véhicules hybrides, Laurent Fabius se consacre au tourisme quand le Medef mesure l’égalité des chances, La réforme territoriale redessine nos territoires et l’impôt sur le revenu ne touche pas tous les français… l’actualité en chiffres apporte une perspective intéressante.

15.000

La réforme territoriale continue de se déployer partout en France et les effets sur les intercommunalités sont importants. Les préfets ont jusqu’au 15 octobre pour proposer les rapprochements qui permettront de se mettre en conformité avec la loi d’ici au 1er janvier 2017, à savoir respecter le plancher de 15.000 habitants par regroupement intercommunal. Les communes émettront ensuite un avis sur les propositions préfectorales avant la fin de l’année, puis elles disposeront d’un nouveau délai jusque mars 2016 pour amender les cartes, enfin, à partir de 2017, les nouvelles entités harmoniseront les services publics et la fiscalité.

56

Le Medef vient de publier son baromètre annuel « de perception de l’égalité des chances, une étude menée en ligne par TNS Sofres sur un échantillon représentatif de 1000 salariés du secteur privé. Il en ressort que 56% d’entre eux craignent d’être un jour victimes de discrimination dans leur travail. Les craintes varient selon les sexes. Les femmes se sentent plutôt exposées à des risques liés à une grossesse ou à leurs contraintes familiales quand les hommes sont surtout sensibles à d’éventuelles discriminations liées à leur âge. La surprise de cette enquête réside dans la progression de 10% sur un an de la peur de discrimination chez les hommes, celle-ci passe  à 55% en 2015. Pour 75% des sondés, l’apparence est un facteur important pour réussir dans l’entreprise, pour eux couleur de peau, poids et beauté sont même déterminants.

50.000

C’est le niveau de revenu annuel qui semble être le déclencheur de l’augmentation de l’impôt sur le revenu depuis 2012, selon le rapport de la députée Valérie Rabault sur le budget 2016. La rapporteure compare les niveaux d’imposition entre 2012 et 2016 et souligne qu’un couple avec deux enfants qui déclare 50.000 euros de revenus devrait payer en 2016 près de 285 euros de plus qu’en 2012, si le revenu annuel est de 100.000 euros, le surplus est alors de 2.713 euros pour s’élever à 5.342 euros pour un revenu de 200.000 euros. La charge de l’impôt pèse donc lourdement sur les familles aisées. Quant aux familles dont les revenus se situent entre 32.000 et 50.000 euros, elles sont les gagnantes des dernières mesures fiscales adoptées par le gouvernement puisque certaines d’entre elles sont désormais non-imposables alors qu’elles payaient un impôt de 684 euros en 2012. En outre, l’entrée dans l’impôt est encore retardée puisqu’un célibataire devenait imposable, en 2013, dès 13.490 euros de revenus, ce seuil est repoussé à 16.341 euros pour 2016, il passe de 27.160 euros pour un couple avec deux enfants, à 41.317 euros.

60

Les Français sont 60% à se déclarer favorables à une libéralisation « de l’activité économique française, par exemple en privatisant certains services publics ou en ouvrant à la concurrence certains secteurs de l’économie », selon une étude réalisée par TNS Sofres pour la Banque de France et rapportée par Les Échos. Cette enquête, réalisée dans le cadre des Journées de l’Économie du 13 octobre à Lyon, révèle également que les Français sont 61% à défendre l’Europe et à ne pas vouloir une remise en cause de la monnaie unique. Néanmoins, à peine 15% d’entre eux pensent que la situation économique de la France va s’améliorer dans prochains mois.

3,3

Le FMI s’inquiète de la croissance mondiale et revoit à la baisse ses perspectives de progression pour 2015 en les ramenant de 3,3% à 3,1%. Trois facteurs principaux nourrissent les craintes du FMI : la transformation du modèle économique chinois en une croissance davantage tirée par la consommation et par les services, la chute du prix des matières premières et la normalisation attendue de la politique monétaire américaine. Dans ce contexte, le produit intérieur brut (PIB) mondial progresserait de 3,1% en 2015 et de 3,6% en 2016. Etats-Unis et Royaume-Uni peuvent espérer une croissance de presque 3% quand la zone euro et la France restent scotchées à une croissance faible de 1,5 et 1,6%. Le FMI est particulièrement pessimiste pour la croissance à long terme pour laquelle il ne perçoit pas de perspective positive durable.

1

Laurent Fabius mobilise 1 milliard d’euros pour développer le tourisme en France. Il ambitionne de passer à 100 millions de touristes accueillis en 2020, contre 84 millions actuellement. Pour les faire rester plus longtemps et dépenser plus sur le territoire français, le ministre mobilise la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui aura pour mission de centraliser les projets. Un fonds de 500 millions d’euros sera constitué pour rénover ou construire des hôtels, elle investira également 400 millions pour financer des infrastructures et équipements touristiques (bornes wi-fi, parcs d’expositions, accotements dans les ports fluviales…). De son côté, Bpifrance investira 100 millions pour accompagner le développement d’entreprises de tourisme innovantes. Afin de compléter ce dispositif financier, trois chantiers sont lancés autour du numérique, de la formation et de l’accueil.

60

Le diesel représente 60% du parc automobile français et le scandale Volkswagen incite ses détracteurs à prendre des positions plus tranchées contre lui. Ainsi, plusieurs amendements ont été déposés dans le cadre du projet de loi de finance pour 2016, tous écartés à ce stade au niveau de la commission des finances. L’exécutif est face à une difficulté de taille : comment alourdir la taxation du diesel tout en ne remettant pas en cause brutalement son poids dans l’économie française et en danger les 70.000 emplois directs ou indirects qu’il représente ? Les débats publics dans le cadre du budget 2016 risquent d’être tendus sur ce sujet et le gouvernement envisage de prendre ses arbitrages le plus tard possible en les liant à la taxe carbone et à la réforme de la contribution au service public de l’électricité. L’idée serait de moins taxer l’électricité que le diesel. Cette question deviendra un enjeu politique avec les écologistes et dans la perspective de la COP 21.

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Les analystes financiers ne cessent de publier des estimations du coût du scandale Volkswagen, que certains évaluent à plus de 80 milliards d’euros. En fait, les différents paramètres sont tellement nombreux que l’estimation est, à ce stade, quasiment impossible, une certitude est partagée par tous : la facture s’élèvera en dizaines de milliards. Rien qu’en amendes criminelle et environnementale aux États-Unis, le risque encouru par Volkswagen est de 18 milliards d’euros. À cette perspective il faut ajouter les class action de consommateurs qui pourraient être engagées au niveau mondial et les procédures des différents États concernés. Les coûts d’avocats et d’éventuelles condamnations seront sans aucun doute faramineux. Il faudra également financer les campagnes de rappels massifs des véhicules équipés du logiciel pour les mettre aux normes. L’impact sur le modèle économique de Volkswagen qui reposait sur une confiance aveugle des consommateurs en la qualité de ses produits est difficile à mesurer : son fameux « pricing power » sera-t-il remis en question ? Enfin, les États vont réagir également sur le plan des normes et de leurs politiques d’accompagnement des carburants fossiles, les nouvelles orientations auront des impacts industriels auxquels les constructeurs devront s’adapter. Le coût boursier est déjà énorme pour le groupe puisque ce sont 30 milliards de capitalisation qui ont été détruits depuis le 18 septembre. Son trésor de guerre de 25 milliards d’euros risque de montrer rapidement ses limites face à de telles sommes.

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Une annexe du projet de loi de finances pour 2016 cache une information dont la logique apparait incompréhensible dans le contexte de sensibilité environnementale actuel. Le gouvernement prévoit de revoir à la baisse dès 2016 les mesures d’accompagnement des véhicules hybrides. Ainsi, l’aide aux hybrides non rechargeables passerait de 2000 à 750 euros dès le 1er janvier. Pour les hybrides rechargeables les nouvelles dispositions seraient encore plus négatives puisqu’il est prévu de diviser par quatre le soutien gouvernemental à l’achat de ces véhicules, l’aide passerait de 4000 à 1000 euros. Seules les mesures d’aide aux véhicules 100% électriques seraient maintenues à 6.300 euros.

3000

3000 commerces sont concernés par les zones touristiques internationales parisiennes instaurées par la loi Macron qui doivent permettre, l’ouverture le dimanche. Les négociations initiées par l’Union du commerce de centre-ville (UCV) avec les syndicats afin d’envisager les contreparties salariales au travail dominical ne se déroulent pas dans une ambiance très constructive et il est peu probable que celles-ci aboutissent avant mars 2016. Une situation de blocage qui est causée par les mesures inscrites dans la Loi et qui excluent la possibilité de recourir au référendum pour mettre en place le travail dominical. Si la situation actuelle devait perdurer, alors il faudrait basculer sur des négociations établissement par établissement. L’UCV ne voit pas une mise en place du dispositif avant la fin de l’année 2016…

Angela Merkel lobbyiste de l’automobile ?

La chancelière est mobilisée dans le cadre du scandale de Volkswagen pour préserver un secteur particulièrement stratégique pour l’économie allemande. Une posture originale en Allemagne où les responsables politiques sont très soucieux de l’indépendance du secteur économique. Mais dans le cas présent, les enjeux sont colossaux.

Le secteur automobile emploie 700 000 personnes et a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 367,9 milliards d’euros, c’est dire s’il joue un rôle majeur dans l’économie. L’impact pour l’industrie allemande du scandale Volkswagen pourrait en outre dépasser largement les seuls constructeurs automobiles. Il s’agit bien d’un enjeu national qui nécessite une mobilisation des politiques d’Outre-Rhin. La réputation du « made in Germany » ne semble pas encore touchée par cette affaire mais le risque est bien présent.

La situation de Volkswagen est très critique. Rien qu’en amendes criminelles et environnementales aux États-Unis, elle encourt un risque financier de 18 milliards d’euros. À cette perspective il faut ajouter les class action de consommateurs qui pourraient être engagées au niveau mondial et les procédures des différents États concernés. Les coûts d’avocats et d’éventuelles condamnations seront sans aucun doute faramineux. Il faudra également financer les campagnes de rappels massifs des véhicules équipés du fameux logiciel pour les mettre aux normes. L’impact sur le modèle économique de Volkswagen qui reposait sur une confiance aveugle des consommateurs en la qualité de ses produits est difficile à mesurer : son fameux « pricing power » sera-t-il remis en question ? Enfin, les États vont réagir également sur le plan des normes et de leurs politiques d’accompagnement des carburants fossiles, les nouvelles orientations auront des impacts industriels auxquels les constructeurs devront s’adapter. Le coût boursier est déjà énorme pour le groupe puisque ce sont 30 milliards de capitalisation qui ont été détruits depuis le 18 septembre. Son trésor de guerre de 25 milliards d’euros risque de montrer rapidement ses limites face à de telles sommes.

La chancelière doit également faire face à des enjeux de politique intérieure qu’elle ne peut sous-estimer. Volkswagen est un fleuron national, tête de pont d’une industrie automobile particulièrement choyée par les décideurs politiques allemands, notamment ceux de la CDU. Au point que le reproche d’un soutien trop prononcé et aveugle commence à poindre et à entacher l’image d’Angela Merkel, qualifiée par une parlementaire verte de « chancelière de l’automobile ».

Il est exact que, de longue date, les autorités allemandes déploient tout l’arsenal du lobbying pour freiner l’adoption de mesures trop contraignantes pour l’automobile au niveau européen. En 2013, elles ont notamment fait en sorte que de nouvelles normes d’émission restent dans les cartons bruxellois après une lutte acharnée. Quel sera désormais le poids réel de la diplomatie allemande pour contraindre Bruxelles à durcir sa politique vis à vis des énergies fossiles ?

La CDU est également pointée du doigt pour sa connivence supposée avec le secteur automobile. En cause, le soutien de BMW au parti de la chancelière qui lui a fait un chèque (parfaitement légal) de 690.000 euros en 2013. Surtout, il est reproché aux constructeurs automobiles d’embaucher à des postes à responsabilités d’anciens élus ou dirigeants politiques de haut niveau.

Cette crise Volkswagen pourrait donc avoir de multiples répercussions, économiques, politiques mais également diplomatiques.