L’actu

Mois : avril 2015

UMP, FN, MEDEF, reprise, réforme, les mots clés de la semaine

Une erreur de casting, un nouveau nom pour l’UMP, le modèle social français, le FN et le PCF, les motions du PS, l’impossible réforme de la France et l’invisible reprise, les personnalités politiques et économiques ont été bavardes, cette semaine, et l’équipe de Sountsou a apprécié.

Pierre Gattaz, président du MEDEF, dans Challenges du 22 avril

«Le modèle social français, c’est un embrouillamini épouvantable. Avec dix couches : du contrat de travail jusqu’à l’OIT (Organisation internationale du travail) en passant par l’accord d’entreprise, de branche, le Code du Travail… Il faut simplifier et donner à l’accord d’entreprise la primauté sur le reste. Par exemple, si le chef d’une entreprise en situation délicate veut faire travailler ses salariés 40 heures, il doit pouvoir le faire s’il y a accord avec les syndicats. » (…) «  Il y a 1 million de personnes au chômage de longue durée et 1 million bénéficiant du RSA, très loin de l’entreprise et de l’emploi. Or, dans certains secteurs, il y a des pénuries : à radiall, j’ai besoin d’usineurs ou de fraiseurs et je n’en trouve pas. Je préconise de créer des contrats de professionnalisation sur mesure, en permettant aux entreprises d’embaucher ces personnes à 80% du smic, comme c’est la règle pour les moins de 26 ans. L’entreprise les formerait, pendant une durée de dix-huit à vint-quatre mois, un investissement lourd. Et leur rémunération devrait être complétée par l’indemnité de chômage ou le RSA pour atteindre le smic.»

Edouard Philippe (Député et soutien d’Alain Juppé), au sujet du changement de nom de l’UMP, dans Libération du 22 avril

« A l’UMP, nous sommes des républicains, sans aucun doute. Mais je ne considère pas que nous soyons « les Républicains ». En nous nommant « les Républicains », c’est comme si nous vidions la République de son sens. Je trouve cela dangereux.»

Fleur Pellerin, sur Aurélie Filippetti qui l’a précédée au poste de Ministre de la culture et de la communication, citée par Le Canard Enchaîné du 22 avril

« Filippetti a mis tous les dossiers embarrassants sous le tapis. Elle n’a rien géré ici. Pourtant, Matignon avait arbitré le dossier des intermittents, et, en six mois, on l’a réglé (…). J’ai obtenu une augmentation du budget de la Culture, alors qu’il avait baissé de 6% depuis 2012 (…) Elle a fait le CSA (Ndlr : la loi donnant au CSA le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public), mais elle n’a rien fait concernant Radio France. Je n’ai découvert qu’en octobre 2014 qu’il y avait un problème. »

Fleur Pellerin, Ministre de la culture et de la comunication, au sujet du PDG de Radio France, Mathieu Gallet, citée par Le Canard Enchaîné du 22 avril

« C’est une erreur de casting. Mais il ne peut être débranché que par une seule personne : le président du CSA »

Christophe Bourseiller, historien, spécialiste de l’extrême gauche, au sujet de la phrase du Président de la république comparant le discours de Marine Le Pen à un tract du Parti communiste des années 70, dans Le Figaro

« Oui, je trouve ça très justifié. Il faut se rappeler ce qu’était la ligne politique du Parti communiste français dans les années 70 et 80. Georges Marchais, alors secrétaire général du PCF, avait très clairement pris position contre l’immigration. J’ai trouvé au moins un tract communiste qui, dans le cadre de l’élection présidentielle de 1981, illustre cette thématique. Il faut aussi se rappeler l’affaire du « bulldozer de Vitry », en 1980, où la municipalité communiste n’avait pas hésité à lâcher un bulldozer pour empêcher l’installation de migrants. »

François Bayrou, interviewé au sujet de la reprise, dans Les Échos du 21 avril

« Je ne vois même pas le feu de paille ! On nous annonçait que la « conjonction astrale » composée de taux d’intérêt bas, d’une baisse des prix du pétrole et de l’euro allait constituer un formidable bol d’oxygène pour la croissance. Pour l’instant, je n’en aperçois pas les effets. Pour une raison évidente : s’il y a une embellie météorologique, elle profite aux économies de la zone qui sont réactives et bien armées, pas à celles qui sont empêtrées et paralysées. Si vous mettez en balance les 220 milliards d’excédents commerciaux en Allemagne l’an dernier avec les 53 milliards de déficits en France, vous prenez la mesure de ce déséquilibre et vous savez d’avance à qui l’embellie profitera.» 

Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, cité par Le Point, daté du 22 avril

« Je vais de temps en temps sur le site de l’Ina voir les discours de Pompidou. Il n’y a pas de polémique chez Pompidou. Chez moi, vous pouvez chercher, vous trouverez très peu de propos polémiques. La transgression, c’est une maladie, soit on en meurt, soit on en guérit. C’est l’abaissement de la politique. » (…) « Le soir de l’élection de Hollande, je ne suis pas allé à la Bastille. Je n’ai jamais rien sollicité. Vous pouvez demander au président. J’ai toujours eu le sentiment que quelque chose dans ma vie me conduirait à faire des choses fortes et inédites. Dès la petite enfance. »

François Bayrou, répond à la question « la France est-elle réformable », dans Les Échos du 21 avril

« Bien sûr, mais sous deux conditions qui lui manquent. D’abord des institutions qui puissent permettre des majorités d’idées, au service de réformes nécessaires, et qui soient considérées par les citoyens comme légitimes. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, notamment en raison d’un mode de scrutin scandaleux et anticivique. Ensuite, il faut du leadership : des femmes et des hommes qui sachent ce qu’ils pensent, qui voient juste et soient capables de rassembler. Il y a des années que la France s’enfonce au même rythme. Inéluctablement, sous Nicolas Sarkozy comme sous François Hollande, 200.000 chômeurs en plus par an… Le constat est le même pour la progression du déficit. Les conséquences sont identiques, puisque les causes subsistent et qu’on n’y touche pas »

Jack Lang, au sujet des quatre motions qui ont été déposées dans la perspective du congrès du PS, interviewé dans Le Figaro, du 18 avril

« Ces quatre textes sont plutôt vides. C’est attristant et décevant. Je ne suis pas né de la dernière pluie. Je sais bien qu’un texte de congrès doit permettre de compter ses appuis et de constituer une future majorité. C’était déjà ainsi à l’époque de François Mitterrand. Mais on aimerait tout de même déceler plus d’idées et d’imagination au PS. J’ai compris qu’untel s’était rallié à la motion majoritaire parce qu’on avait rajouté une virgule par-ci, trois mots par-là. François Hollande mériterait mieux de la part de son parti. un peu plus de hauteur, de vision, de niaque, d’imagination. »

Une PDG pour France Télévision

Delphine Ernotte, Directrice générale du Groupe Orange a été nommée, par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), PDG de France Télévision. Elle prendra ses fonctions le 22 août, avec de multiples défis à relever.

Madame Ernotte est la première femme présidente de France Télévision, comme Mathieu Gallet, nommé, également par le CSA, en 2014, est le plus jeune président de Radio France. Le CSA a donc fait le choix du symbole pour cette nouvelle nomination.

Delphine Ernotte est incontestablement un manager expérimenté, si elle n’est pas une spécialiste de l’audiovisuel, elle est une experte du numérique et elle a une grande expérience des mutations à négocier au sein d’un groupe complexe. La crise de Radio France démontre, à ceux qui en doutaient, que l’audiovisuel public n’est pas une sinécure, les équations y sont complexes et le soutien de la tutelle est loin d’être acquis pour un PDG qu’elle ne nomme plus.

Les défis sont nombreux pour Delphine Ernotte : la reconquête du jeune public, la mutation numérique du groupe France Télévision, la poursuite de la restructuration interne avec peut-être des choix cornéliens sur le périmètre des chaînes publiques, le positionnement stratégique d’une France 3 tiraillée entre sa vocation locale et ses programmes nationaux, la poursuite de la fusion des rédactions…. Certains syndicats se sont fendus de communiqués peu amènes en guise de bienvenue, la présidente devra également gérer ses relations avec les producteurs extérieurs.

Mais son premier challenge est de constituer son équipe, la tolérance à l’erreur de casting sera assez limitée.

Le bon gros lobbying qui tache 

La semaine dernière a mis en avant une méthode très utilisée en matière de lobbying : jeter le discrédit par tous les moyens sur l’adversaire. Cette démarche part du postulat que « salir » est toujours utile puisqu’il en restera toujours quelques taches qui sèmeront le doute.

L’opération anti Mathieu Gallet, mise en orbite à partir d’on ne sait quelle base, a failli réussir. Finalement, il sort, pour le moment, vivant de cette vaste opération de destabilisation, il faudra attendre encore un peu pour savoir s’il est renforcé.

L’arme de destruction massive utilisée pour cibler le président de Radio France est l’argent, il s’agit toujours du meilleur moyen pour éliminer quelqu’un. En France, la relation à l’argent est telle que jeter le doute sur l’honnêteté d’une personnalité en passant par des pseudo-dépenses somptuaires fonctionne souvent, au moins dans un premier temps. Ce fut le cas avec Mathieu Gallet, affaibli par ailleurs par un mode de management peu en phase avec la Maison qu’il dirige et une tutelle, étrangement, bien peu solidaire. Il a eu droit à tout : des articles « programmés » dans Le Canard Enchaîné sur plusieurs semaines, des « convocations » par une Ministre qui découvrait un plan sur lequel ses services travaillaient depuis des mois, une crise sociale interne entretenue par l’externe…

Pendant que les « révélations » se succédaient et étaient distillées au fil du temps, les sommes concernées prenaient de l’ampleur. Bureaux, fauteuils de voiture, puis véhicule, consultants coûteux, moquette, etc. Nous avons eu droit à toute la panoplie de la campagne de déstabilisation. Il a été finalement totalement blanchi en fin de semaine dernière par Bercy, la plus longue grève de  l’histoire de Radio France s’est également arrêtée, comme les « révélations » du Palmipède.

Les ennemis, cachés, du président de Radio France sont tombés sur un os. Le contre-lobbying mis en place et sa campagne de communication ont finalement été efficaces. La prochaine étape pourrait même être une contre-attaque et des révélations sur les responsables de ces basses oeuvres.

Il n’en reste pas moins qu’après cette guerre éclair qu’il remporte, Mathieu Gallet sort un peu abimé, son image, hier lisse et vierge, est écornée. Dans ce genre de manoeuvres, il reste toujours quelques taches, un peu grasses, qui peuvent suffire à satisfaire leurs auteurs.

Au sein de la CGT, il y a quelques mois, il fallait éliminer le soldat LePaon devenu gênant, les mêmes méthodes ont été employées, avec le même support et une meilleure efficacité que pour le service public de la radio. Le secrétaire général de la CGT était trop sûr de lui, il a été emporté par la crise créée par ses amis de l’intérieur, déterminés à l’effacer pour prendre le pouvoir. Cette semaine il a été blanchi par les résultats de l’enquête interne diligentée au sein de la Centrale. Pas grave, il n’est plus là… L’état déplorable de la CGT au sortir de cette crise importe peu aux responsables de la déstabilisation, le seul sujet était sa prise de contrôle.

Ces opérations de déstabilisation visent les hommes et leurs présumées faiblesses, elles sont souvent motivées par des tentatives de prises de pouvoir. Elles ne réussissent que rarement parce qu’elles reposent essentiellement sur des « boules puantes » factices qui ne tiennent pas sur la durée. La vérité finissant toujours par éclater. Mais elles font partie des méthodes peu ragoutantes de certains pour parvenir à leurs fins.

Il faut se tenir prêt à contre attaquer face à ce « gros lobbying qui tache » et contre-attaquer avec la puissance et la détermination qu’il impose.

Mathieu Quétel, président de Sountsou

L’État doit se réformer

France Stratégie a remis le 13 avril son rapport « quelle action publique pour demain » réalisé sous le parrainage de l’ancienne ministre Anne-Marie Idrac et de Martin Vial, ancien président de La Poste et président de Premium Care. 

Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie décrit, avec lucidité, la situation de l’action publique : « Elle fait l’objet d’interrogations que chacun perçoit de plus en plus clairement : beaucoup d’acteurs, beaucoup d’activités, beaucoup de dépenses, mais des résultats en deçà des attentes et, donc, un sentiment d’impuissance. D’autant que, simultanément, l’environnement dans lequel intervient la sphère publique (le monde économique, la société civile…) évolue à une vitesse considérable, notamment grâce au numérique. Si rien ne se passe, le risque est grand d’avoir à moyen terme un État impotent, dépassé. Et c’est tout le pays qui en paierait les conséquences. »

Ce rapport décrit le chantier des actions à lancer pour réformer l’État à l’horizon des dix prochaines années. C’est sa limite. Dix ans pour l’action publique c’est certes peu, mais le rythme de la vie démocratique, donc politique, est plus rapide et les changements de majorité, sur la période, peuvent être nombreux et intervenir comme autant de ruptures dans les réformes entreprises. Enfin, l’économie n’attend pas et supporte de moins en moins les à coups de la décision publique.

Le premier constat de ce rapport, par ailleurs sans concession, est limpide : la réforme n’est plus une question mais une urgence. Il pose donc cinq objectifs pour transformer l’action publique :

  1. Répondre à des besoins en constante évolution
  2. Expliciter les priorités et leur allouer les moyens nécessaires
  3. Appuyer la modernisation du pays
  4. Rendre des comptes
  5. Impliquer les agents publics

Cinq leviers sont identifiés pour agir. Ils doivent permettre de mener à bien cette réforme indispensable et de ramener le niveau de dépense publique de 57,2% du PIB à 50% environ. La priorité pour l’État est de faire le tri dans ses missions et de mieux responsabiliser les acteurs de leur mise en oeuvre, qui devront rendre compte. Le rapport préconise que d’ici dix ans, 25% des postes pourvus en Conseil des ministres correspondent à des recrutements hors fonction publique. Il s’agit d’ouvrir la gestion et le management de l’action publique à des profils plus proches de l’entreprise et de la société civile.

Pour charger ce rapport : www.stratégie.gouv.fr

Google : Du lobbying d’usure au lobbying d’État

Coup de tonnerre sur le net mercredi 15 avril, Bruxelles accuse Google d’abus de position dominante, une attaque qui pourrait aboutir à une condamnation record du géant américain.

L’enquête a pris cinq longues années. Google est donc accusé de favoriser son service de comparaison des prix au détriment de ses concurrents, Bruxelles lance également une enquête afin de déterminer si le géant américain n’inciterait pas à l’utilisation de ses propres services sur les smartphones fonctionnant avec son système Android. Un enjeu de taille puisque ce système équipe 70% des smartphones dans le monde.

Concrètement, la Commission a adressé à Google une « communication de griefs », la firme peut bien entendu répondre, d’ici à dix semaines, et même procéder à des correctifs, ce qui pourrait éviter des poursuites. Dans le cas contraire, elle s’expose à des contraintes et à une amende qui pourrait atteindre 10% du chiffre d’affaires annuel de Google, soit 6 milliards d’euros.

Les cinq années d’enquête de la Commission ont été ponctuées par un lobbying acharné de Google pour obtenir une voie de sortie négociée à l’amiable, encouragée par l’ancien commissaire à la Concurrence. Des arrangements ont été proposés par Google à trois reprises, sans succès, la dernière fois en mai 2014. Entre temps, le titulaire du poste de commissaire à la Concurrence a changé et la méthode également.

Dans un premier temps, la Commission a eu les plus grandes difficultés à trouver des plaignants, tétanisés à l’idée de s’opposer à Google, puis Microsoft s’est lancé dans la bataille en 2010, rejoint en 2014 par 400 entreprises dont Lagardère et Deutsche Telekom, qui créent l’association, l’Open Internet Project. Autres difficultés, l’évolution permanente des usages des internautes, le contrôle des algorithmes utilisés … Sur ce dernier point, si le service de comparaison de prix de Google est aujourd’hui visé, ce n’est pas le cas de ces autres domaines d’intervention comme les réservations d’hôtels, de vols, la cartographie, la liste est encore longue.

Cette bataille se joue au plus haut niveau des États et Barak Obama s’est transformé en lobbyiste en chef de Google le 13 février dernier avec des déclarations à la fois claires et agressives : « Internet était à nous, nos entreprises l’ont créé, étendu et perfectionné de telle façon que la concurrence ne peut pas suivre. » (…) « A la décharge de Google et Facebook, les réponses de l’Europe en la matière s’expliquent parfois plus par des raisons commerciales qu’autre chose. Certains pays comme l’Allemagne, compte tenu de son histoire avec la Stasi, sont très sensibles sur ces questions. Mais parfois leurs entreprises – les fournisseurs de service qui ne peuvent pas concurrencer les nôtres – tentent surtout d’empêcher nos entreprises d’opérer efficacement là-bas. (…) Et souvent, ce que l’on représente comme des positions nobles sur ces problèmes n’a pour but que le développement d’intérêts commerciaux. »

La déclaration du Président américain est intéressante. L’Amérique aurait, dans un grand geste de bonté, « offert » internet au reste du monde… Ce qui lui donnerait bien entendu tous les droits. Quant à l’Europe, elle ne serait qu’à la recherche de profits faciles. Ou comment simplifier à l’extrême un sujet complexe.

Les prochaines semaines seront sans doute marquées par de nouvelles charges juridiques et la mise en place d’une vaste opération de lobbying de crise, qu’il sera intéressant de décrypter.